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Egypte

Une armée qui tire sur son peuple ne peut pas être démocratique

Nous aimons bien Plantu. C’est un dessinateur et caricaturiste d’humour politique habituellement très fin et très subtil. C’est un régal quasi quotidien que de découvrir son « dessin du jour » et d’y rechercher les allusions et références à divers sujets n’ayant bien souvent que peu à voir avec le contexte général du dessin: le choc des situations est permanent.

En 2002, il y a déjà plus de dix ans, nous avions eu l’occasion de rencontrer Plantu en … Egypte, à Alexandrie, dans le cadre d’une soirée-débat-échanges organisée par le Centre Culturel Français. Si nous rappelons ce (bon) souvenir, c’est parce qu’il s’agit d’Egypte, encore une fois, dans notre post de ce soir !

Dans « Le Monde » daté du 9 août 2013, Plantu a publié un curieux dessin. Ou bien, autre version, Le Monde a publié un curieux dessin de Plantu. D’une simplicité presque scolaire, d’un contenu assez brutal, ce dessin sommaire représente deux flèches « pharaoniques » orientées dans les deux directions opposées (droite et gauche) et portant les labels respectifs de « démocratie » et « obscurantisme », le tout dans un contexte intitulé « Egypte » et mis en images par une cité HLM truffée de paraboles, un palmier et une famille de fellahs. Le dessin est signé Plantu et la petite souris habituelle s’enfuit dans la direction de la « démocratie ».

Plantu est-il content de son dessin ? Plantu s’est-il rendu compte que par un dessin aussi schématique, il n’apportait aucun enseignement particulier sur ce qui se passe en Egypte ? En effet, peut-on résumer le débat à un choix aussi simpliste ? Y a t-il vraiment d’un coté les tenants de la démocratie et de l’autre coté les suppôts de l’obscurantisme ? Même avant les évènements d’hier et d’aujourd’hui, était-il possible de taxer l’armée égyptienne de « démocratique » ? Etait-il possible d’accuser globalement les partisans de Morsi d' »obscurantisme » ? Non, certainement non !

Plantu – Le Monde 9 août 2013 (C)


Les saisons passent vite dans les pays arabes ! Après le printemps, nous voici en plein hiver !Les Forces Armées assassinent leur peuple. Même si ce peuple est celui des opposants, est-il possible de dire de forces armées qui l’assassine qu’elles sont démocratiques ?
Non, certainement non ! Et pourtant l’Occident, ses médias, en France Le Monde, dans Le Monde Christophe Ayad, en sont encore à reprocher aux Forces Armées égyptiennes d' »avoir écrasé la démocratie naissante » en raison de leur démonstration de force et des centaines de victimes. Mais quelle démocratie naissante ?

Qu’il soit bien clair que les Forces Armées égyptiennes se sont liguées 1°) avec les révolutionnaires devenus anarchistes, 2°) avec les libéraux devenus ultra-libéraux et en recherche d’affaires et d’opportunismes à saisir et 3°) avec les revanchards de l’époque Moubarak. Tout ceci dans un seul et unique but: éliminer les Frères Musulmans accusés de tous les maux et de tous les torts, y compris les plus fantaisistes et les plus irréalistes. Hélène Sallon, une autre « spécialiste » de l’Egypte en arrive même à reconnaître (il est bien tard !) que « Les Frères musulmans et le président Morsi ont été constamment pointés du doigt comme voulant islamiser le pays. En un an de présidence Morsi, ces accusations ne se sont pas réellement confirmées dans les faits, notamment dans l’écriture de la Constitution. Mais cela reste une accusation très forte chez les détracteurs des Frères musulmans et chez ceux qui au sein de la population s’opposent à un régime islamiste. »

La « démocratie naissante » n’est pas morte dans les violences d’hier 14 août et d’aujourd’hui 15 août, elle est morte définitivement le jour où le conglomérat décrit ci-dessus a renversé le Président élu. De ce jour, il était inscrit que l’affrontement était inéluctable, inévitable.
La « démocratie naissante », en réalité, était déjà bien morte depuis que l’armée, la police, les administrations, les médias et Tamarrod avaient décidé du sort du gouvernement. Il y a donc plusieurs mois de cela. Et le gouvernement pouvait bien désigner des Gouverneurs de Provinces à son image, ceux-ci n’avaient guère de pouvoirs !

Aujourd’hui, les « intellectuels » chers au Monde et à ses journalistes peuvent bien se mordre les doigts d’avoir pactisé avec une sorte de diable, Al-Azhar, la Grande Mosquée, peut bien se retirer du jeu et dénoncer les violences. Mohamed El-Baradei peut bien démissionner et refuser d' »avoir du sang sur les mains », il est déjà trop tard. C’est AVANT qu’il fallait savoir si la « démocratie naissante » valait le coup de discuter, échanger, confronter, aménager … C’est AVANT qu’il fallait refuser de pactiser avec un armée qui a déjà été capable de montrer ce qu’elle sait faire, ce qu’elle peut faire, pour défendre sa place et ses intérêts.


La seule question qui se pose est celle-ci: la « démocratie naissante » pouvait-elle s’accommoder de l’islamisme des Frères Musulmans ? Nous le croyons, et ceci pour plusieurs raisons.

  • Parce que le pouvoir de Mohamed Morsi était régulièrement et légitimement élu et mis en place, ceci pour la première fois en Egypte.
  • Parce que les Frères Musulmans participent déjà au pouvoir en Jordanie, au Koweit.
  • Parce que (en 2011) les Frères Musulmans ne sont plus dans le discours de violence islamiste, discours laissé aux salafistes et djihadistes, et que de forts courants jeunes (qui s’expriment d’ailleurs encore aujourd’hui), souhaitent que place soit faite à un islam moins rigoriste.
  • Parce que, à peine élu, le Président faisait savoir qu’il ne remettait pas en cause les accords de paix signés avec Israël et qu’ainsi il ne se posait pas en nouveau facteur de déséquilibre dans le proche-Orient.
  • Parce que le gouvernement Morsi a rapidement compris qu’il devait « négocier » avec l’armée et lui concéder une place comparable à celle dont elle bénéficiait dans l’ancien régime.
  • Parce que ce même gouvernement a fait de l’aide et de l’appui américain l’un des piliers de sa politique.

    Tout cela était bien loin de la « révolution » et ressemblait fort à de la « realpolitik ».
    Pour toutes les raisons que l’on sait (lire nos posts sous le tag « Egypte »), cela ne s’est pas fait. Et la « démocratie naissante », même fragile et ambigüe, s’achève dans le sang.

    Et maintenant ?

    Il est probablement trop tard. L’Egypte est entrée en guerre civile pour quelques années.
    Les Frères Musulmans ne vont que se radicaliser de plus en plus, se présenter en martyrs, gagner des soutiens populaires grâce ou à cause des inévitables difficultés économiques qui vont gagner tout le pays, toutes les activités, …
    Quand aux anti-Morsi, qui deviendront des anti-Frères Musulmans, ils vont se radicaliser eux aussi, se constituer en milices plus ou moins fascistes (c’est dans la logique du mélange des blocks anarchistes, des ultra-libéraux, de l’armée et des foulouls), …
    La guerre ne fait que commencer ….
    Le Conseil de Sécurité se réunit demain; que peut-il faire ?

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