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Marmiton, racisme et soumission

La page Facebook de « Marmiton », le site bien connu de recettes de cuisine, vient de vivre un évènement peu commun et très significatif des temps qui courent. Le 18 juin, premier jour du Ramadan, à 12 :39, il a publié ce titre : « Aujourd’hui est le premier jour du Ramadan. Voici notre sélection de recettes pour l’occasion. Bon Ramadan à tous.

Pendant plusieurs heures, ce fut un déluge de critiques et d’insultes, allant du reproche de parler du Ramadan, alors que nous sommes en France, jusqu’au reproche de ne pas proposer de recettes pour les fêtes chrétiennes, en passant par quelques insanités du genre de celle-ci : « La phrase « Bon ramadan à tous » était de toute évidence l’expression de l’esprit le plus naïvement collabo, et le fait que vous ressentiez les protestations indignées qu’elle a suscitées comme des manifestations d’intolérance ou même de racisme ajoute l’imbécillité à l’abjection ». Bien entendu, toutes les déclarations racistes ont été expurgées de la page.

Face à cette manifestation d’intolérance, trois constatations sont à faire.

La première se trouve dans le comportement des Community Managers de « Marmiton », les fameux CM. Ils sont trois paraît-il, mais l’une d’entre eux a été particulièrement remarquable par sa ténacité à répondre à tous, par son humour, par sa finesse, par son esprit pédagogique.

La seconde est à rechercher dans les commentaires post-évènement, un évènement dont Rue 89, le Nouvel Obs et Le Figaro (d’autres ont suivi, un jour plus tard) ont publié quelques extraits. Cette publication a permis aux militants laïques les plus radicaux de s’élever contre le fait que les agressions relevées sur « Marmiton » étaient qualifiées d’islamophobes (cf. Caroline Fourest). Or, pour eux, l’islamophobie n’est que le nom donné par les islamistes au droit inaliénable que chacun a de critiquer la religion, de la caricaturer, voire de la blasphémer.

Quant à la troisième constatation, elle est à faire du côté des identitaires, ceux qui approuvent ce genre de manifestations parce qu’ils l’assimilent à une sourde protestation du peuple contre « le Grand Remplacement », ou « le Changement de peuple et de Civilisation » (cf. Renaud Camus).

Ipsos/Sopra Steria a présenté en mai dernier un sondage (http://www.ipsos.fr/decrypter-societe/2015-05-06-fractures-francaises-2015-point-sur-francais-et-leur-perception-societe) réalisé entre le 22 et le 27 avril 2015 auprès de 1000 personnes. Ce sondage, réalisé pour « Le Monde », porte sur la confiance dans les institutions, le déclin de la France, l’autorité, la vie politique, la justice et l’économie, l’Europe, les valeurs du passé, la perception de l’avenir, l’attitude à l’égard du Front National, le racisme et la xénophobie, le fait religieux et la laïcité, les clivages au sein de la société et enfin les sujets de société comme le mariage gay ou les mères porteuses. C’est, bien entendu, dans les chapitres consacrés à la xénophobie et au fait religieux que nous allons aller chercher quelques infos.
A commencer par les affirmations suivantes : « Il y a trop d’étrangers en France », approuvé par 67% des français interrogés, « On ne se sent plus chez soi comme avant » (61%).

« La façon dont les religions sont pratiquées en France est-elle compatible avec les valeurs de la société française ? » Pour la religion catholique, seuls 6% des interrogés répondent négativement. Ils sont 15% pour la religion juive. Et 54% pour la religion musulmane. « Ces religions veulent-elles imposer leur mode de fonctionnement aux autres ? » 20% des français répondent oui pour la religion catholique, 17% pour la religion juive et 72% pour la religion musulmane.

Enfin 81% des interrogés considèrent que l’intégrisme religieux (il ne peut guère s’agir que de celui qui est imputé aux musulmans) est un problème préoccupant, et 74% à dire que la laïcité est en danger aujourd’hui en France.

Face à ces chiffres, il est bien évident que la laïcité n’a pas la même signification pour tout le monde. Entre les laïques irréductibles et les identitaires, il y a tout un échiquier d’opinions et de comportements, mais tous deux se retrouvent sur une critique de l’islam qui entretient bien souvent le rejet d’une population.

Mais l’islam peut-il être critiqué ? Et que veut dire « critiquer l’islam » ? Critiquer une religion, quelle qu’elle soit, c’est inventorier ce qui, dans sa conception et dans sa pratique, s’oppose à la liberté de l’homme. La pratique de l’islam est globalement critiquable par le fait que celui-ci maintient les femmes dans un état de sujétion. La pratique de l’islam est généralement critiquable par le fait qu’il (l’islam) n’a aucun recul par rapport aux textes qui le fondent. La pratique de l’islam est souvent critiquable pour son opposition à la curiosité intellectuelle. La pratique de l’islam peut être soumise à critique pour sa fusion étroite avec le pouvoir politique, une fusion qui en fait la religion d’Etat et qui condamne toute critique assimilée à l’apostasie ou au blasphème.

Mais est-ce une critique de l’islam que de refuser que des enfants chantent en arabe lors d’une kermesse scolaire, alors que cette langue fait partie des idiomes parlés dans la commune ?

Est-ce une critique de l’islam que de remplir les colonnes de la page Facebook de « Marmiton » d’insultes racistes ?

Est-ce une critique de l’islam que de profaner des cimetières musulmans ?

Est-ce une critique de l’islam que d’accuser les arabes de vouloir remplacer population et culture européennes ?

Est-ce une critique de l’islam que de menacer de mort les élus qui signent un permis de construire, en toute légalité, pour un projet de salle de prière musulmane ?

(DR)

On rejoint alors « Charlie » et la critique qu’en fait Emmanuel Todd (« Qui est Charlie ? » – Seuil). Lequel estime qu’il existe une confusion voulue entre critique de l’islam, (islamophobie pour certains) et racisme anti-arabe, anti-maghrébin. Et ce racisme, caché derrière la critique de l’islam, est porté par une partie des intellectuels et par certains médias. L’auteur élabore une théorie complexe prenant en compte la déchristianisation de notre pays et l’adhésion à la monnaie unique européenne comme les deux facteurs ayant conduit non seulement à la crise que nous connaissons, mais aussi à la perte du sentiment égalitaire dans de nombreuses régions autrefois catholiques ou communistes. La perte de ce sentiment égalitaire est une explication du rejet de l’autre et donc du rejet des populations qui ont migré, soit après les trente glorieuses, soit aujourd’hui encore. « Qui est Charlie ? » est un livre critiquable (lui aussi !), mais un livre salutaire.

Après avoir lu « Qui est Charlie ? », rien n’interdit de lire « Soumission » de Michel Houellebecq (Flammarion) et de faire ainsi le grand écart entre l’extrême-gauche radicale et ce que l’on peut considérer comme un comportement très réactionnaire, à défaut d’être vraiment de droite. « Soumission » n’est ni plus ni moins que la traduction française (une des traductions !) du mot Coran. Et c’est pour cela qu’il faut, aussi, lire ce livre et non pour les séquences de cul toutes plus tristes les unes que les autres, qui le rythment comme un pendule. Dans une France gagnée par les islamistes, celle du Grand Remplacement, lors d’une élection présidentielle, celle de 2022, la Fraternité Musulmane accède au pouvoir grâce à une alliance anti-FN avec la droite, le centre et les socialistes.Les pays voisins succombent également aux Partis Musulmans. Du jour au lendemain, les femmes abandonnent shorts et mini-jupes, épaules dénudées et tenues sexy, sans que rien ni personne ne le leur ait demandé. Elles se soumettent. Tout comme elles se soumettent à la polygamie qui permet de disposer de deux, trois épouses, l’une pour la famille et les autres, jeunes et fraiches, pour les jeux sexuels. Tout comme elles acceptent sans sourciller leur exclusion du marché du travail, solution radicale au problème du chômage. Le narrateur lui-même, François, universitaire littéraire (spécialiste de Huysmans), se soumettra après de bien timides hésitations et se convertira à l’islam afin de bénéficier de quelques avantages que la nouvelle Nomenklatura lui accordera, notamment un retour dans l’université islamique, avec un salaire triple du précédent et, bien entendu, la polygamie …

(DR)

« Soumission » est une douloureuse fable politique, qui donne raison aux identitaires. De plus, les femmes y sont méprisées…. Houellebecq dit qu’il ne prend pas partie.

Pour notre part, il nous faudra bien prendre partie.

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Démocratie

Mais où est passée la gauche anti-guerre ?

« Please don’t sink the country in a spiral of violence JUST BEFORE the Legislative Elections…Please let the people express their will even if it is distorted…Democracy is not an instant remedy, it needs time to mature…ENOUGH with the hysteria… Stop the violence because, in an armed conflict, the Jihadi Islamists (the likes of Zomor and his killer squads) will prevail…And then what? The Army AGAIN ???!!! »

Tel est le texte qu’une amie égyptienne nous fait parvenir. Un texte qui, non satisfait d’exprimer une grande lassitude, fait part d’une grande peur: celle de l’anarchie.

En ce qui concerne la situation en Egypte, mais aussi en Tunisie, au Mali maintenant, demain en Syrie à n’en pas douter, tous les médias et toutes les organisations politiques, depuis la gauche (hors PC et FG) jusqu’à la droite instruisent le procès de l’islamisme.

En Egypte, les Frères Musulmans, régulièrement élus, se voient contester en permanence leur légitimité. Ils sont accusés d’avoir volé la révolution, d’incapacité à gérer l’économie du pays, de soumission à la fraction activiste des islamistes, de manipulation de la justice, d’élaboration bâclée et imposée de force d’une Constitution conservatrice, d’organisation du viol en tant qu’arme politique, etc, etc … on en passe et des meilleurs.
Arrêtons nous un instant sur cette question du viol au sujet duquel Le Monde (par exemple, mais il n’est pas le seul, avec Claire Talon et maintenant Hélène Sallon) nous ressort régulièrement une explication en faveur d’une manipulation du pouvoir. Cette idée, elle est celle des « révolutionnaires » qui cherchent toutes les idées aptes à mobiliser leurs troupes, tout comme celle qui a fait long feu appelant à boycotter les activités civiles des Forces Armées. Or, c’est méconnaître totalement ce fléau qui, depuis des décennies, se développe dans la société égyptienne dès que l’impunité est assurée par la foule et la promiscuité: métro, tramway (dans les wagons mixtes), places publiques, manifestations, fêtes populaires comme Sham el Nessim (ce sera le 6 mai) et Place Tahrir ! D’ailleurs, « Le Monde » lui-même en administre la preuve dans un article de son « Académie » signé par Yitong Shen !

En Tunisie, la légitimité d’Ennahda, pourtant régulièrement appelé au pouvoir, est contestée parce que le Gouvernement est incapable d’assurer un décollage économique, parce qu’il est soumis aux fractions activistes des islamistes et parce qu’il traîne à rédiger et mettre en œuvre une nouvelle Constitution !
Dans ce pays, l’assassinat récent de l’opposant Chokri Belaïd soulève l’indignation à juste titre. Cela donne-t-il le droit à Manuel Valls de dénoncer ainsi, en distribuant les analyses et les sanctions qui vont avec, »un fascisme islamique qui monte un peu partout » et en affirmant qu' »il garde espoir dans le rendez-vous électoral pour que les forces démocrates et laïques, celles qui portent les valeurs de la révolution, demain, l’emportent ».

En fait, tout est dit (re-dit) là-dedans.

  • Globalement, toute expression de l’Islam relève du fascisme.
  • La preuve en est que les islamistes (régulièrement élus et portés au pouvoir) ne sont pas légitimes et qu’ils ne portent pas les valeurs de la révolution.
  • Et que doivent être préparés au plus vite le retrait de ces imposteurs et la réalisation d’un nouveau RV électoral.
  • Sur lequel il faudra bien veiller afin qu’il assure la victoire des forces démocrates et laïques qui doivent l’emporter. (Laïque, en Islam, ça veut pas dire grand-chose, sécularisé oui …).

    Au Mali, dont on a déjà beaucoup parlé, les choses sont encore plus simples. Il y a des « terroristes islamistes » qu’il convient impérativement de « détruire » ! Et s’appuyant sur l' »appel » d’un Président non légitime (cette fois-ci pour de bon !), la France, ses forces politiques, ses médias, son peuple à 75% ont choisi d’aller faire la guerre. Sans anticiper beaucoup de choses, au point que les Maliens poursuivent leurs divisions en refusant que les Casques Bleus prennent le relais des forces françaises, en agitant le spectre d’un affrontement entre Africains noirs et MNLA, en désignant le capitaine putschiste à la tête d’un comité de réforme de l’armée ! Et par qui, on vous le demande ? Par le Président intérimaire qui ne doit sa place qu’à la « bienveillance » du capitaine putschiste, le même Président intérimaire auquel la France a vaillamment répondu « Présent ! ».

    La France est devenue un pays va-t-en-guerre, singulièrement sur sa gauche. La gauche française est qualifiée par certains de gauche anti – anti-guerre. Mais où sont passés les anti-guerre d’antan ? Où sont passés les opposants à l’ingérence dans les « affaires » des autres pays ?
    Le seul droit d’ingérence que s’était attribué l’Occident et, avec lui, la gauche française, concernait l’humanitaire. Ce temps-là est bien loin, désormais la gauche française s’autorise le droit d’ingérence politique et militaire. Elle s’autorise la croisade anti-islamique avec l’appui de ses médias et de 75% de son peuple.
    Des preuves ? Il fut un temps où le « Mouvement de la Paix » savait réagir avec promptitude et énergie aux atteintes aux droits des peuples, en faveur de la paix et de la négociation. Le « Mouvement de la Paix » a publié le 13 janvier 2013, soit 48 heures après le début de l’intervention au Mali, un communiqué condamnant « l’état de guerre ». Depuis, plus rien, pas une pétition, pas un mot, pas de nouveau communiqué …
    Il y a également une pétition pour la paix (http://www.petitions24.net/stop_guerre_au_mali_-_des_choix_pour_la_paix), très peu remarquée, à coté d’autres pétitions soutenues par des partisans de la remise en ordre du Nord-Mali. Peut-on dire que son succès est très mitigé ?

    Gageons que dans les semaines, les mois à venir, le retour de bâton sera douloureux et que l’incompréhension et l’hostilité ne feront que grandir entre les deux rives de la Méditerranée et entre l’Europe et le Sud-Sahel.
    Car enfin, la situation qui prévaut dans tous ces pays n’est pas celle d’un affrontement simpliste entre le bien et le mal, entre le tout noir et le tout blanc, entre le révolutionnaire et le conservateur, entre l’islamiste et le laïque.
    D’un coté, il n’y a pas les « islamistes », mais DES islamistes travaillés par des tensions énormes entretenues par certaines puissances, allant d’islamistes modérés favorables à la sécularisation et au développement libéral de la société jusqu’à des partisans acharnés de l’ordre et de la charia.
    En face d’eux, il n’y a pas les « révolutionnaires », mais des forces travaillées, elles aussi, par de puissants courants allant jusqu’à l’anarchisme.
    Et d’abord, quelle révolution ? Y a t-il eu, parmi les militants du « Printemps », des théoriciens d’un nouveau gouvernement arabe ? Non, et le mot « révolution » est repris aussi bien par le Mouvement du 6 avril que par les Frères Musulmans.
Affiche révolutionnaire d’Egypte (DR)

Car le « Printemps arabe » est avant tout une « révolution consumériste ». Le mot n’est pas péjoratif. Il signifie que la révolution n’est pas « sociale » avant tout (revendication de la place des travailleurs dans la production, de la garantie de revenus, de l’accession à de nouveaux droits ou de la reconnaissance de droits maltraités, …), mais « libérale ».
Il s’agit de revendiquer un emploi pour les milliers de chômeurs formés par le système éducatif, un niveau de revenus pour accéder à la liberté de consommation telle qu’étalée par l’Occident, la liberté de circulation dans et hors le pays et la liberté d’expression. Evidemment que ces revendications peuvent déboucher sur des revendications plus sociales ! Evidemment qu’il s’agit là de droits fondamentaux ! Mais, malheureusement, personne n’a été capable de passer au-dessus des divisions, des combinaisons, des actions ponctuelles et partielles. Alors, la situation devient ingérable, en raison surtout de la montée en puissance des anarchistes, ces « Black Blocks » pour lesquels le pouvoir actuel doit disparaître et « peu importe par qui il sera remplacé ». Le prochain pouvoir sait déjà qu’il est condamné avant même d’être désigné.
L’anarchisme a pris une telle importance dans le débat que des leaders comme Mohamed el Baradei ont cessé d’appeler à la cohésion nationale et au dialogue: personne ne les entend, car personne ne les écoute.

A propos de l’Egypte, comme à propos de la Tunisie, comme à propos du Mali, la question qui se pose aujourd’hui est celle-ci: qu’est-ce qui peut réveiller la gauche française et la sortir de son engourdissement guerrier et de ses analyses impérialistes ?

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Le pays où les vaches rentrent toutes seules à la maison

C’est en Roumanie, à l’autre extrémité de l’Europe. L’occasion nous a été donnée d’y passer quelques jours, non pas en touriste, mais en compagnie de quelques élus et de responsables d’associations. Cela se passait dans le nord-ouest du pays, entre Oradea et Cluj, dans une zone des Carpates appelée Monts Apuseni. Hébergement chez l’habitant, rencontres de familles, bien des aspects de ce petit voyage permettaient de vrais échanges.

La Roumanie, forte de ses 19 millions d’habitants est un récent membre de l’Union Européenne (1er janvier 2007) et tout indique: discours de la population, affichage important de l’aide européenne, …, que le pays attend beaucoup de cette Union. Le fait que la Roumanie soit maintenue hors de l’Espace Shengen est perçu avec frustration.

A t-on à apprendre de ce pays ? Très certainement. Le temps de la visite ne permet pas de faire des analyses fouillées, mais deux domaines au moins sont à analyser.
Le premier a trait à la prépondérance agricole de ce pays. 7 % du PIB (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo/roumanie/presentation-de-la-roumanie/article/presentation-1120) sont issus du secteur primaire, mais ils sont assurés par 28 % de la population active. Voilà déjà une façon de souligner la dispersion de l’activité rurale et son faible rapport financier. Le village où nous étions en est l’exemple. 2500 habitants vivent dans cinq villages rattachés en une seule commune. Outre des habitations classiques, mais minoritaires en nombre, ces habitants disposent de 719 maisons-fermes, lieux où ils vivent en petites communautés de trois ou quatre générations et où ils élèvent des animaux de ferme. Oh, pas beaucoup ! Une vache et deux cochons en moyenne, puisque le recensement de 2011 permet de savoir que ces maisons-fermes abritent environ 800 bovins et 1100 cochons.

Dans la communauté, c’est la génération des grands-parents qui s’occupe des animaux. « Baba », la grand-mère se lève tôt pour traire ses deux vaches et à 6 heures, elle les conduit à la grande porte qui donne sur la rue. Les vaches iront toutes seules au pré où les garde un berger communal. A 20 h 30 (horaires du mois d’août !), les vaches reviennent toutes seules à la maison et chacune sait parfaitement retrouver son portail ouvert.

Campani-Roumanie retour des vaches à la maison

La maîtresse des lieux va traire à nouveau ses deux vaches. Le lait récolté est transformé sur place, tous les deux jours, en fromage; un fromage salé et un fromage peu salé. Le petit lait sert à nourrir les trois cochons.
Lorsqu’ils sont tués, leur viande est transformée en charcuterie. Il existe également un jardin où poussent des cornichons, des courgettes, des concombres, des tomates, des pommes de terre … et c’est encore la grand-mère qui s’en occupe. Elle trouve ensuite le temps de faire la cuisine et de concocter des gâteaux pour sa fille et son gendre et leurs deux enfants.Les restes de cuisine servent à nourrir une flopée de poules et leurs poussins.
Le verger comporte des noyers et des pruniers bien utiles pour faire l’eau de vie nationale.
Alors, à la maison, tout ce qui se mange; légumes, fruits, viande, charcuterie, lait, fromage et œufs provient du jardin. Et comme la production est supérieure aux besoins familiaux, la grand-mère se rend deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, au marché du chef-lieu, distant d’une quinzaine de kilomètres.

Stei-Roumanie Le marché bi-hebdomadaire


Si l’aïeule fait tout ce travail, c’est parce que ses enfants et les conjoints travaillent tous, souvent assez loin du village et ne rentrent qu’en fin de journée. Quant à leurs enfants, ils vont à l’école, primaire ou secondaire, eux aussi à plusieurs kilomètres du village. L’absence de ramassage scolaire organisé oblige à les y conduire.

Cette agriculture éclatée, au service de petites communautés, présente l’avantage d’être une agriculture de proximité. Les familles productrices, puis les citadins proches consomment des produits issus d’une zone agricole extrêmement voisine. Le souhait écologiste du « produisez et consommez local » trouve ici une réponse évidente. Au-delà des statistiques, il est difficile d’apprécier le « rendement économique » de ce travail. Cependant, il est aisé de constater que la grand-mère est liée à cette tâche du premier au dernier jour de l’année. Interrogée à ce sujet, elle a répondu: « Oui, mais j’aime ça ! ».
Les choses sont-elles si belles ? Non, il ne s’agit là que d’une agriculture pauvre, une agriculture de subsistance. Et dans le même temps, des agriculteurs européens (http://www.illustre.ch/Agriculture-Roumanie-viande-bio-domaine-agricole-roumain_141473_.html) ambitieux rachètent des terres et font de l’élevage ou de la culture de façon intensive.

Un autre aspect de la société roumaine a trait à l’importance et à l’influence de la religion, orthodoxe pour 90 % de la population. Lors de la période de dictature communiste, de très nombreuses églises et autres lieux de culte ont été détruits. A l’issue de la révolution de 1989, les popes ont repris leur place et se sont un peu livrés à une surenchère en matière de construction d’églises. Surenchère par toujours exempte d’orgueil afin d’avoir le plus bel édifice. La construction de ces églises se fait par appel à la générosité des fidèles, pauvres dans une grande majorité (le revenu mensuel moyen reste inférieur à 400 €) et il arrive que de trop vastes et ambitieux monuments ne soient jamais achevés.
Cette multiplication des églises fait que chaque village a son lieu de culte. Cinq églises dans les cinq villages de la commune où nous avons vécu quelques jours ! Le culte est assuré par les popes qui sont …. des fonctionnaires. L’entretien des églises est assuré par les communes. La cathédrale de Bucarest est construite avec l’aide primordiale de l’Etat. Les œuvres de l’Eglise sont financées par l’Etat, de façon plus ou moins importante, … Malgré l’inscription du terme dans la constitution roumaine, la Roumanie n’est pas un Etat laïc.

Campani-Roumanie Eglise aux champs


Ce ne sont là que deux impressions de voyage. Mais à elles deux, elles font de la Roumanie un pays fort différent de ceux de l’Europe occidentale. Et lorsque les tensions en vue de la maîtrise du pouvoir se seront un peu calmées, il sera intéressant de suivre l’évolution de la Roumanie dans ces domaines de l’agriculture et de la laïcité, ainsi que dans d’autres secteurs, comme l’environnement par exemple.