Catégories
Ecologie

Center Parcs et l’emploi

La défense de l’emploi n’est pas le premier objectif des opposants au Center Parcs de Roybon. Nous avons pu voir (Pour-quelques-arpents-de-bois-et-de-champs-bons-à-rien) que leurs préoccupations (écologistes comme zadistes) visent plutôt la reconstruction de notre société afin de la rendre plus simple et plus joyeuse, en passant par la décroissance et, donc, une critique fondamentale de notre démocratie.

Au travers d’un ensemble de critiques, l’emploi est pourtant l’un de leurs arguments majeurs: les emplois offerts ne sont que des emplois précaires, Center Parcs exerce un chantage à l’emploi, …

Essayons de faire un tour d’horizon de cette question.
En commençant par un examen de la situation de l’emploi dans la région concernée, grâce aux services de l’INSEE que tout un chacun peut aller consulter. La Communauté de Communes Bièvre Chambaran dont Roybon était partie prenante comprenait en 2011, 1335 jeunes de 15 à 24 ans dont 674 étaient actifs, c’est à dire qu’ils avaient quitté soit le système scolaire, soit une formation. Parmi ces 674 jeunes actifs, 530 disposaient d’un emploi, soit 78,6 % d’entre eux. Ce qui signifie que 144 étaient sans emploi.
Cette Communauté de Communes a désormais fusionné avec la Communauté de Commune Bièvre Liers dont la ville-centre est La Côte Saint-André. En 2011, toujours selon l’INSEE, les jeunes de 15 à 24 ans étaient 2404 sur ce territoire, dont 1265 étaient actifs (hors scolarité ou formation). 1005 d’entre eux disposaient d’un emploi soit 79,4 %. Ce qui signifie que 260 d’entre eux étaient sans emploi.

Au sud du territoire des Chambarans se trouve un autre territoire, celui du Pays du Sud Grésivaudan (un nom que l’on ne trouve même pas sur les cartes !). Sa ville-centre en est Saint-Marcellin, ses principaux centres sont Vinay et Pont-en-Royans. Voici les statistiques de l’emploi des jeunes sur ce territoire.
En 2011, les jeunes de 15 à 24 ans sont au nombre de 4236. Un peu plus de 46 % d’entre eux (1964) sont encore en formation. Parmi les actifs, 1557 ont un emploi et 559 sont chômeurs.

Dans un précédent post, nous avons vu que le taux national de chômage chez les actifs de 15-24 ans est de 25 %. Il est de 20,8% dans le nouveau territoire qui inclut Roybon. Il est de 24,6 % dans le territoire du Pays Sud-Grésivaudan. Sur ces seuls deux territoires, ce sont 963 jeunes de 15 à 24 ans qui n’étaient plus scolarisés ou en formation et qui n’avaient pas d’emploi en 2011. Un millier de jeunes qui sont chômeurs !


Dans la méconnaissance totale de ces chiffres, les opposants au Center Parcs répètent à l’envie ce premier argument: Pierre et Vacances, comme tant d’autres industriels ou aménageurs exercent un chantage à l’emploi. Il n’est pas besoin qu’ils exercent le moindre chantage afin d’obtenir des aides, des soutiens, des financements publics: tous les élus responsables, tous les organismes en charge de l’insertion des jeunes et moins jeunes dans le travail sont à l’affut de tels projets de développement car ils y trouvent des réponses aux besoins de leurs populations, et des jeunes en particulier.
Perturbés par cette analyse (on ne peut pas être globalement contre des emplois !), les opposants inventent alors un second argument: ce sont des emplois précaires, des emplois non permanents, des emplois mal rémunérés, des emplois dont on démissionne vite, …
L’actualité vient nous apporter quelques enseignements sur cette question. En mai 2015, le Center Parcs de la Vienne doit ouvrir, Center Parcs du Bois aux Daims. La société ELIOR, concessionnaire des activités de restauration dans les Center Parcs de France recrute actuellement ses salariés sur le site « emploi » du Conseil Général de la Vienne.
Les offres sont les suivantes (n’hésitez pas, il ne reste que quelques jours pour les saisir !).
1 – Gouvernant(e) nettoyage: CDI de 35 heures, salaire de 1516 à 1800 € + 13° mois.
2 – Gouvernant(e) adjoint(e): CDI de 35 heures, salaire de 1459,62 € + 13° mois.
3 – Agent technique de nettoyage: CDI de 9 heures, salaire 9,53 €/h + 13° mois?
4 – Commis de cuisine: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,55 €/h.
5 – Cuisinier: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,60 €/h.
6 – Chef de partie: CDD/CDI de 35 heures, salaire 10,21 €/h.
7 – Chef de cuisine: CDD/CDI de 35 heures, salaire 11,86 €/h.
8 – Serveur: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,60 €/h.
9 – Chef d’équipe restauration à table: CDD/CDI de 35 heures, salaire 10,21 €/h.
10 – Equipier de restauration: CDD/CDI de 35 heures, salaire 9,60 €/h.%%%
11 – Chef d’équipe restauration et retail: CDD/CDI de 35 heures, salaire 10,21 €/h.

Nous ne ferons aucun commentaire quant au niveau de précarité ou de rémunération de ces emplois. Chacun est libre d’en juger. Nous constaterons sobrement que ce sont des emplois et que ces emplois peuvent convenir aux demandeurs d’emploi de nos territoires, principalement aux jeunes.

Roybon, statue de la Liberté (DR)

Quant à la dimension économique de ces emplois et de l’implantation d’un Center Parcs, nous ferons, encore une fois, appel aux analyses de l’INSEE. En avril 2011, un an après l’ouverture du Center Parcs des Trois Forêts, dans le Pays de Sarrebourg, une longue et complète analyse (http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=17266) de cette structure touristique a été publiée par l’INSEE, signée par Philippe Debard et Olivier Serre.
Il est impossible de passer sous silence les grandes lignes de ce document qui précise qu’avec 606 emplois et 26 intérimaires, le Center Parcs est devenu le 6° employeur du Bassin Lorrain. Ces 632 emplois représentent 470 équivalent-temps-plein (ETP) et les 2/3 sont en CDI. Les salaires sont considérés comme relativement bas et en tout état de cause inférieurs aux salaires d’hôtellerie pratiqués dans le bassin d’emploi.
Le recrutement est extrêmement local, les cantons immédiatement voisins fournissant à eux seuls plus de la moitié des effectifs salariés.
Autre constatation particulièrement signifiante: le recrutement joue un rôle social important. 59 % des nouveaux salariés étaient auparavant au chômage et 11 % étaient bénéficiaires du RSA. La création du Center Parcs est à l’origine d’une réduction de près de 10 % des chômeurs inscrits, essentiellement des jeunes et des femmes.
Il était, un an après l’ouverture, encore difficile d’estimer l’incidence en termes d’emplois locaux que l’activité même du Center Parcs pouvait initier. Cependant, plus de 90 emplois locaux ont été directement générés par les revenus des salariés du complexe touristique.
Il FAUT lire ce document sincère et honnête, qui ne cache pas les insuffisances (un turn-over de 30 % des salariés après 4 mois, par exemple) et les défauts de ce type de développement économique, mais qui, en tout état de cause, interdit de traiter avec légèreté et suffisance de la question de l’emploi et de la réponse qui y est localement apportée.
Il faut d’autant plus le lire qu’il apporte des réponses aux questions relatives à la gestion des Center Parcs et aux ressources générées auprès des Collectivités.

L’emploi,en France et en Europe, est loin d’être une question simple. Actuellement, une énorme majorité des contrats de travail est constituée de contrats courts, à durée déterminée. Il n’est pas envisageable que ce soit Roybon et son Center Parcs qui puissent changer en quoi que ce soit une situation qui est celle de tous les pays occidentaux !
Et ce n’est pas, non plus, la construction de barricades dans la boue et la neige qui fera avancer ce débat en quoi que ce soit.