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Ecologie

L’Apocalypse selon Pascal Bruckner

Le 5 novembre, Le Monde avait consacré deux pleines pages à la dénonciation d’un supposé complot des industriels du DDT accusant les écologistes d’être à l’origine de la recrudescence du paludisme en Afrique parce que ce produit y était interdit. Ces deux pages faisaient référence au fait que Pascal Bruckner reprenait cette thèse dans son livre « Le fanatisme de l’Apocalypse: sauver la terre, punir l’homme ». Pour en trouver mention, il a fallu chercher. Jusqu’à la page 177/275, et dans un minuscule passage de …cinq lignes. Le livre précité ne saurait donc se résumer à cette polémique.

Cet essai reprend quasiment toutes les idées qui ont été exprimées ici dans ce blog au sujet des écologistes radicaux (et non pas des écologistes en général !). On y retrouve les commentaires de Latouche sur la décroissance dans les pays du Sud (Décroissance), le droit au développement (Le-droit-au-développement-vu-du-Nord-et-vu-du-Sud), la limitation des naissances, la relocalisation (Avant-Copenhague-les-écolos-(certains)-s-énervent-…), la critique, voire l’interdiction de la voiture individuelle(Niqab-automobile-et-société-social-écologiste), la relocalisation (Le-monde-de-Conrad-Schmidt), les raccourcis « démocratiques » de Dominique Bourg(Démocratie-écologique-ou-dictature-écologique), ou le discours de Michel Rocard (Les-messies-de-l-apocalypse), converti sur le tard à l’écologie radicale.
On y retrouve toutes les personnalités de ce mouvement, toutes citées à un moment ou à un autre dans les plis de ce blog: Yves Paccalet et son « L’humanité disparaîtra; bon débarras ! », Serge Latouche, Yves Cochet, Hervé Kempf, Al Gore, Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Jean-Pierre Dupuy, Michel Rocard, Pierre Rabhi, d’autres encore, largement regroupés autour des thèses des philosophes Hans Jonas et Ivan Illich. C’est dire que ce petit livre aurait pu rencontrer notre adhésion, voire notre enthousiasme. Et pourtant, ce n’est pas le cas.

(DR)

Ce n’est pas le cas, parce que la démonstration n’est pas crédible, entachée d’ironie acerbe et de critiques parfois « limites » et contradictoires. Notre conviction est faite qu’il existe un courant écologique qui prône une décroissance de nos sociétés, au motif de la finitude de notre planète et de ses ressources. Nous avons aussi démontré que ce courant ne se caractérisait pas par son sens inné de la démocratie; les propositions élitistes de Dominique Bourg en sont un exemple frappant. Nous avons également posé la question lancinante du développement des pays émergents, et plus singulièrement celui de l’Afrique. A ce jour, les propositions vont du « détachement » de ces pays de l’ensemble mondial afin qu’ils ne suivent pas la même courbe de développement (Latouche) à l’acceptation pure et simple d’une situation de déni de justice; « l’Afrique peut enseigner à l’Occident comment s’accommoder de la frugalité » (Kempf), en passant par la mise en place de programmes autoritaires de limitation des naissances. Ce courant existe bel et bien: il est anti-humaniste, il est anti-démocratique, il est sectaire parce que défendant une pseudo religion de la terre-mère, il est égoïste parce qu’essentiellement occidental, il est malthusianiste parce que voulant imposer une limitation arbitraire des naissances dans les pays en développement, bref, il est dangereux. Il n’est pas, à lui seul, l’écologie. Le dénoncer est nécessaire. Mais le dénoncer n’est pas dénoncer l’écologie.

Alors à quoi sert-il d’enjoliver son propos avec des accusations d’antisémitisme à l’attention de José Bové ? A quoi sert-il d’accuser les radicaux de l’écologie d’être des pétainistes, alors qu’ils sont les premiers à dénoncer tous les écolos-sceptiques comme étant des « fascistes gris » ?, à quoi sert-il d’ironiser sur les tenants de l’amour des animaux et de la chute des séparations entre espèces ? Il y a bien assez à dire dès à présent, dans le cadre d’un débat démocratique et de société, pour ne pas encombrer le discours de scories et de commentaires agressifs quand ils se veulent humoristiques.
L’histoire des tenants de l’Apocalypse moderne reste à écrire.

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