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Démocratie écologique ou dictature écologique

Dans “Le Monde” du 31/10/10 est paru un entretien avec Dominique Bourg, professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL (Université de Lausanne) sur le thème de la nécessaire réforme de la démocratie si l’on veut faire face aux problèmes environnementaux.

Après avoir dressé un tableau désormais classique de disparition des espèces (sixième extinction) et de raréfaction des ressources, Dominique Bourg affirme tout crûment que la démocratie actuelle est incapable d’affronter ces problèmes et doit donc être réformée.

Elle en est incapable parce que:

  • les élus sont régulièrement soumis au jugement des individus selon le principe de la démocratie représentative. Or, les individus ne sont capables que d’un jugement spontané n’ayant rien à voir avec la durée dans le temps des problèmes environnementaux. De plus, les élus sont enclins à satisfaire les intérêts immédiats et particuliers de leurs mandants et non les intérêts globaux.
  • les individus sont formatés depuis le début de l’ère de la consommation par l’enrichissement matériel, clef du bien-être. Egoïstes, ils ne sont pas disposés à changer en faveur de moins de production et moins de consommation.
  • enfin, notre vie démocratique accorde une prime au court-terme et a bien du mal à prendre en compte les intérêts du futur.

Face à une analyse aussi sinistre, aussi négative et aussi pessimiste de notre vie démocratique, l’auteur propose une modification de notre constitution et une modification de nos institutions.

En ce qui concerne la constitution, il conviendrait d’ajouter deux nouveaux objectifs à l’Etat: celui de « veiller à la sauvegarde du bien commun qu’est la biosphère » et celui de « soumettre les ressources naturelles à une gestion internationale concertée ». Mais comme l’auteur est bien incapable de faire confiance, ni à l’Etat, ni aux futures instances internationales chargées de gérer ces deux dossiers, il envisage de modifier nos institutions.

En créant une “Académie du futur”, composée de chercheurs de tous pays qui auraient pour mission d’exercer une veille sur l’état de la planète et de faire des propositions aux “politiques”.

Au coté de cet aréopage distingué, un nouveau SENAT, en amont de l’Assemblée, élaborerait les mécanismes législatifs permettant de répondre aux nouveaux objectifs introduits dans la Constitution.

Ce SENAT serait constitué de 2/3 de “personnalités qualifiées” proposées par les ONG et d’1/3 de “citoyens”. Avec l’aval de “conférences de citoyens” (?), il aurait le pouvoir d’opposer son veto aux propositions de loi jugées contraires aux objectifs.

Voilà pour ces propositions ahurissantes qui rejoignent d’autres comportements tout aussi totalitaires. La populace est incapable de comprendre, la démocratie est trop lente, remplaçons-les par des experts et des représentants “éclairés” du peuple !! Toutes les dictatures (toutes !) ont tenu ce langage liminaire. Dans cet exemple, il est inquiétant de constater que Dominique Bourg fait partie de la Fondation Nicolas Hulot, que cet entretien publié dans “le Monde” l’a été également sur le blog (http://www.fondation-nicolas-hulot.org/blog/entretien-avec-dominique-bourg-un-systeme-qui-ne-peut-repondre-au-defi-environnemental) de la Fondation Nicolas Hulot et qu’il n’y a fait l’objet d’aucun commentaire.

Dominique Bourg (DR)

“Le Temps“, quotidien suisse, a publié dans son édition du samedi 13 novembre 2010 un article consacré au livre que Dominique Bourg et Kerry Whiteside ont consacré à ce thème de l’inadaptation de notre démocratie: “Vers une démocratie écologique: le citoyen, le savant et le politique”. Cet article d’Etienne Dubuis, intitulé “Vers une dictature écologique”, rejoint tout particulièrement mes critiques. Le voici  »in extenso ».

“L’environnement figure parmi les enjeux cruciaux de notre temps. L’homme a étendu à tel point son empire qu’il risque d’épuiser un certain nombre de ressources naturelles non seulement au niveau local mais aussi à l’échelle globale. Il se doit, par conséquent, de se préoccuper de son impact sur la planète et d’adapter son comportement à ce nouveau défi. Il reste à savoir comment. Un livre récemment paru répond à ce souci: Vers une démocratie écologique de Dominique Bourg et Kerry Whiteside, respectivement professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne et professeur de sciences politiques au Franklin & Marshall College en Pennsylvanie.

Pour les deux auteurs, l’heure est dramatique. «Les dégradations que l’humanité inflige aujourd’hui à la biosphère sont sans précédent, assure d’emblée leur ouvrage. Elles menacent notre bien-être collectif, l’équilibre économique et politique du monde, l’avenir des générations futures.» Or, selon Dominique Bourg et Kerry Whiteside, cette évolution a pour responsable la «démocratie représentative», qui serait incapable de s’élever au-dessus de ­l’égoïsme et de l’aveuglement des électeurs.

Vers une démocratie écologique propose de changer en conséquence les institutions. Il suggère de donner à la défense de la Nature une place prépondérante dans le jeu politique et de limiter le pouvoir des citoyens ordinaires. La pièce centrale de ce nouveau régime serait une Chambre haute du Parlement, le «Sénat», qui aurait le pouvoir d’«opposer son veto à toute proposition législative allant à l’encontre des objectifs constitutionnels». Objectifs parmi lesquels figureraient le «principe général de finitude» (des ressources) et, son corollaire, le «principe de précaution».

Comment seraient choisis les sénateurs? Ils seraient tirés au sort sur une liste de candidats constituée par des organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense de l’environnement. A titre de variante, Dominique Bourg et Kerry Whiteside proposent qu’un tiers d’entre eux puisse être issu de la population «ordinaire», et ce, par tirage au sort pour éviter toute intrusion d’intérêts particuliers. «Des attachés parlementaires dotés d’une bonne culture scientifique devraient également permettre de faciliter le travail d’acculturation de ces nouveaux sénateurs», est-il précisé.

Dans la même veine, une «Académie du futur» formée de spécialistes de l’environnement et de philosophes serait chargée «de conférer un sens précis, scientifiquement informé» aux objectifs constitutionnels. Bref, d’indiquer sans appel la marche à suivre.

L’ouvrage ne manquera pas de séduire quelques écologistes radicaux. Mais il pèche de nombreuses façons et d’abord par ce qu’il tait.

Ce qu’il tait? Que le régime proposé n’est pas une démocratie, comme prétendu, mais une dictature. Le peuple n’est plus souverain lorsqu’une institution non issue de lui a le pouvoir de décider des lois. Or c’est bien ce qui est prévu. Les sénateurs sont choisis par une minuscule minorité de militants écologistes, qui ne peuvent en rien prétendre représenter l’ensemble des citoyens. Et, avec leur droit de veto, ils ont la capacité de trancher sur toutes les questions environnementales. Ce qui signifie qu’ils décident de tout, puisque l’environnement concerne de près ou de loin les domaines de l’existence les plus variés, de l’alimentation à la morale, en passant par les transports, la santé, l’éducation, etc.

Le projet est vieux comme la ­civilisation occidentale. Depuis l’Antiquité grecque, il s’est toujours trouvé des hommes pour estimer que les savants sont mieux placés que le commun des mortels pour gouverner. Vers une démocratie écologique reprend le thème sous une forme vaguement modernisée par la préoccupation environnementale. Il traduit une fascination pour le Savoir et ses détenteurs officiels, qui n’a d’égale qu’un mépris total pour l’homme ordinaire, décrété incapable de prendre la mesure des problèmes environnementaux parce qu’il ne les a pas sous les yeux.

La réalité, évidemment, est tout autre. Le Savoir n’existe pas. Il n’existe qu’une infinité de savoirs, d’ailleurs souvent approximatifs, sur des domaines extrêmement limités. Un physicien des hautes énergies possède un formidable bagage pour pénétrer les secrets de la matière. Mais il ne peut prétendre en dehors de sa spécialité posséder des connaissances susceptibles de le placer au-dessus du lot. Or la politique ne s’occupe pas d’un seul sujet, fut-il aussi large que l’environnement, elle empoigne tous les sujets. Et son objet n’est pas la connaissance mais l’action, qui suppose un type très différent, beaucoup plus complexe, de relation au monde.

Quant à l’opposition du savant transcendé par la connaissance et du pauvre pékin conduit par ses bas instincts, elle a paru sans doute nécessaire à la démonstration, mais elle ne tient pas. Comme si les esprits les plus instruits n’étaient pas mus également par leurs propres intérêts! Et comme si le peuple n’était pas capable d’écouter les experts! La différence entre la «démocratie représentative» et la soi-disant «démocratie écologique» prônée par Bourg et Whiteside n’est pas que la première ignore les avis éclairés. C’est que la seconde est formatée pour ignorer le peuple et ses aspirations”.

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