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Pétrole

Pétrole: on n’a pas fini d’en parler

« Quando l’acqua tocca al naso, si impara a nuotare » (Quand l’eau t’arrive au nez, tu apprends à nager) se plaisait à répéter mon beau-père. Mais en matière de pétrole, de pic de Hubbert et d’économie, il en est qui ne sauront jamais nager !

C’est le cas d’un économiste (Thomas I. Palley|http://www.project-syndicate.org/commentary/palley5/French) qui écrit un papier dans « Le Monde Economie » de ce 1er juillet. En économiste pur et dur, il ne voit qu’une courbe de croissance de la consommation de pétrole d’une part et des stocks qui sont … 10% au-dessus de ce qu’ils étaient il y a dix ans. Il en déduit donc que l’augmentation des cours actuels n’est que le fruit de la spéculation !! Le comble, c’est qu’il déclare que « la flambée actuelle des prix du brut ne prendra fin que par une récession qui épuisera la capacité des consommateurs à absorber la hausse, ou lorsque le lent processus de substitution au pétrole prendra effet ». Peut-il nous expliquer pourquoi il y aura « lente substitution », si ce n’est parce que le pétrole vient à manquer ?

Et que croyez-vous qu’il propose comme action populaire pour mettre un terme à cette situation ?

« Si les consommateurs ne remplissaient le réservoir de leur automobile qu’à moitié, ils feraient immédiatement baisser la demande. Etant donné le manque de capacité de stockage, cela pourrait rapidement faire descendre les cours et griller les spéculateurs .. »

Faisons un rapide calcul.

Il y a moins de UN milliard d’automobiles dans le monde, ce chiffre est attendu vers 2010.

Un réservoir fait 50 litres en moyenne.

Soit 50 milliards de litres théoriquement stockés.

Statistiquement, parmi les véhicules en circulation, il doit y en avoir autant dont le réservoir est plein, que ceux dont le réservoir est à moitié vide, et que de ceux qui doivent passer incessamment à la pompe. Prenons la valeur médiane et cela ne fait désormais que 25 milliards de litres de carburant

Ne remplissons qu’à demi tous ces réservoirs et cela fera quelques 12,5 milliards de litres de carburant que devront stocker les pétroliers.

Exprimé en barils de 159 litres, cela fait environ 78 millions de barils de carburant. Quand on sait que la production mondiale quotidienne de pétrole est de 86 millions de barils, on reste rêveur devant la petitesse de la proposition !!

Sans doute s’agissait-il d’un article destiné à être publié le 1er avril !

Jerrycan


Plus sérieusement, mais plus dramatiquement, sur cette question du “peak oil”, je vous invite à écouter Yves Cochet (http://lesverts.fr/article.php3?id_article=4028) . C’est récent (22 mai), c’est un peu long, c’est mal filmé, le public est irrespectueux comme c’est pas possible à l’égard de la caméra, mais alors quelle pédagogie ! Mais, ça fait peur … On en reparle, si vous le voulez bien.

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Ecologie

La faute de TOTAL et l’appel

Il est de plus en plus fréquent d’entendre, à l’issue des “grands procès”, certains médias, certains militants, certaines familles, s’indigner de voir le coupable qui vient d’être condamné, faire appel de cette décision. Les motifs invoqués sont bien souvent les suivants:

  • « il devrait avoir honte »
  • « c’est scandaleux, il veut échapper à sa condamnation »
  • « il ne va pas encore remuer cette histoire »
  • « il compte sur la justice de classe pour l’absoudre »
  • « comment pouvons-nous faire notre travail de deuil ? »
  • etc, etc…

C’est le cas aujourd’hui, après le jugement condamnant TOTAL dans l’affaire Erika et la décision de cette entreprise de faire appel.

Naufrage de l’Erika (DR)

1°) TOTAL a commis une faute. En cherchant à économiser au-delà du raisonnable sur les coûts de transport de ses fuels, il a pris le risque d’affréter des bateaux poubelles. C’est un risque qu’il connaissait, puisque TOTAL ne peut pas être sans ignorer l’existence d’une flotte de navires en mauvais état et munis de pavillons de complaisance.

2°) En matière de sécurité, il est d’usage constant qu’un entrepreneur ne peut pas accorder une confiance aveugle aux affirmations de conformité que lui donne un fournisseur ou un sous-traitant. En l’espèce, TOTAL ne pouvait accorder confiance à l’armateur de l’Erika. (Je suis assez bien placé pour le savoir, ayant eu à gérer un cas d’accident mortel du travail causé par une machine certifiée conforme par son importateur et jugée, à postériori, dangereuse et non conforme, par l’organisme de certification).

3°) Pour assumer ses obligations, TOTAL avait besoin d’une attestation de conformité délivrée par un organisme tiers et agréé, en l’occurrence dans le cas présent, la Société RINA.

4°) Cette attestation s’est révélée mensongère. Sauf à mettre en évidence une complicité entre TOTAL et RINA, il est impossible d’imaginer qu’une entreprise puisse mettre en doute les dires d’un organisme de contrôle. On ne peut pas faire contrôler un organisme de contrôle par un autre organisme de contrôle !!

5°) Si TOTAL fait appel, c’est bien pour que la responsabilité de l’organisme de contrôle soit reconnue haut et fort et AVANT celle de l’utilisateur final.

6°) Faire appel est un DROIT reconnu à celle des parties qui n’est pas satisfaite d’un jugement, voire à toutes les parties (prévenu, parties civiles, procureur, …). Ce DROIT est totalement indépendant des notions de bienséance, de morale ou de politiquement correct, …

7°) Faire appel a le mérite de faire avancer la jurisprudence. Si RINA est condamné plus lourdement en appel, comme le souhaite TOTAL, la cause de l’environnement en sera, de toutes façons, bénéficiaire. Mais la présentation des faits devant l’opinion en sera moins “porteuse”: RINA n’est pas TOTAL !

8°) Il y a autant de probabilités que le jugement d’appel confirme le premier jugement, ou qu’il le renforce, ou qu’il le modifie en assouplissant la responsabilité pénale de TOTAL. On ne devrait pas avoir à le dire, mais la justice n’est pas “de classe” quand elle condamne le pauvre, et “juste” quand elle condamne le riche. Elle est la justice, avec ses hauts et ses bas …

9°) TOTAL commet une nouvelle erreur, une nouvelle faute, en contestant, lui aussi, le droit de faire appel des parties civiles et en leur “achetant” leur silence en échange du paiement dès à présent des dommages et intérêts.

10°) Le futur nouveau procès de l’Erika sera, tout autant que le premier, porteur de progrès pour la cause de l’environnement.

11°) Je ne peux éviter de souligner que les “commentaires” de sortie de tribunal font également souvent référence à l’absence d’excuses, de contrition, de la part du condamné, ce qui justifierait la lourdeur de la peine et/ou l’immoralité d’un appel. Qui peut prétendre savoir ce qu’un condamné peut ressentir et penser ? Quant au travail de deuil, il n’a pas à être lié à une condamnation (perçue comme une sorte de vengeance différée, assurée par le bras armé de la justice), car comment faire ce travail si l’accusé est relaxé, déclaré irresponsable, voire absent … ?