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Mais qui sont les zadistes

Extraits de Libération du 21 décembre 2014 (http://www.liberation.fr/societe/2014/12/21/j-ai-pris-un-conge-sans-solde-et-j-ai-rejoint-la-zad_1168216).

1 – MIL a 30 ans. Il est ouvrier viticole dans la Drôme. Il vient deux jours par semaine, pendant ses congés, sur la ZAD. Il apporte du matos. Il ne se sent pas assez militant pour tout plaquer.
2 – MERLIN a 32 ans. Il est du coin. Il a fait Notre-Dame des Landes, Decines, Sivens où il occupait l’un des derniers arbres à être tombés. Il a acquis un mode de vie de partage des connaissances qui prouve que l’on peut vivre autrement. Il compte bien se poser et créer un truc qui associera viticulture, maraîchage et arboriculture … plus tard.
3 – CAMILLE a 22 ans. Le Bac, un BTS puis un début de licence en management qu’il a abandonné. Il a passé un Bac Pro horticulture. Découvre le milieu libertaire dans la Sarthe et n’a aucune envie de vendre sa force de travail. Reste trois mois à Sivens. Et pense à son terme à son projet de vie, par exemple dans une ferme communautaire.
4 – TROY a 22 ans. Il est infirmier et a pris un congé sans solde pour être présent à Roybon. Il a peur que la France finisse par être recouverte de lotissements et de centres commerciaux. Ici, il y a des gens qui parviennent à faire des choses ensemble, à discuter. Pour changer le monde, il ne faut pas se limiter à ce que la société nous dit de faire.
5 – PIERRETTE a 22 ans. Elle a un BTS en gestion et protection de la nature, dans la Drôme. Elle a trouvé sur la ZAD la vie en collectivité, l’entraide, le soutien à une lutte. Elle a appris à construire des cabanes, à grimper dans les arbres, à faire des fours en terre cuite, à se protéger, par exemple avec du citron contre les lacrymogènes, à communiquer, à filmer ….
6 – MARIE-JOSEPHE a 70 ans. Elle vient tous les jours sur la ZAD parce qu’ici, c’est le cœur de la vie. Elle se dit que tout n’est pas foutu et que tout reste possible. A savoir, défendre la terre, l’eau, la nature qui nous donne la vie…

Extraits du Nouvel Obs du 19 décembre 2014 (http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20141219.OBS8380/carte-le-tour-de-france-des-zad-et-des-lieux-de-crispation.html).

7 – RICHY a 42 ans. « Vadrouilleur », il est d’origine lyonnaise et veut vivre dans une société gratuite, autogérée et collective.
8 – JEAN-CLAUDE a 66 ans. Il est retraité et vit à quelques 30 km de là. Evitant de parler de décroissance, il rêve de la sobriété heureuse et pense que l’on peut faire autre chose que de tels grands projets, des chambres d’hôtes par exemple.
9 – NINA a 20 ans. Elle vit comme saisonnière. Son rêve est de produire son miel, son lait, son fromage de chèvre et, pour le reste de ses besoins, y accéder par un fonctionnement de troc local.
10 – VINCENT a 27 ans. Après avoir abandonné ses études de géographe à Grenoble, il s’est réorienté vers une formation agricole et travaille dans une exploitation collective spécialisée dans les légumes bio à Saint-Antoine.

Merci à ces deux médias que sont « Libé » et « Le Nouvel Obs » pour avoir réalisé ce travail d’interview de quelques militants qui occupent la MaquiZad de Roybon. Au fait, le nom de MaquiZad ne vous fait penser à rien de particulier ? Et pourtant, c’est bien une journaliste du « Monde » qui a cru intelligent de situer les Chambarans « au pied du Vercors » ! Le réflexe subliminal étant bien provoqué, il n’y avait plus qu’à l’exploiter: ici; on fait de la résistance !
Une dizaine d’interview, c’est peu et c’est beaucoup, si on les rapporte au nombre d’occupants de la Maison Forestière de la Marquise (avec un R) qui ne doivent pas dépasser la vingtaine, dans le froid, le brouillard et la boue.

Deux constatations s’imposent immédiatement: ils sont jeunes, en fin d’études ou ayant abandonné leurs études. Ils n’ont pas d’emploi stable et n’en cherche absolument pas. Ils sont quasiment tous orientés vers un retour à la terre et aux travaux agricoles, Retour au travers duquel ils se déclarent en accord avec leur militantisme en faveur de la décroissance (ou de la « sobriété heureuse »). Ceux qui ne sont pas les plus jeunes sont des retraités qui sont restés baba-cool.

Pour mieux comprendre ce qu’ils « apprennent » lors de ces périodes combattantes, voici le calendrier des ZADteliers prévus en cette fin décembre.
Dimanche 21 décembre, à 14 heures, Educ’citoyenne suivie de la Fête du solstice d’hiver.
Lundi 22, à 14 heures: conserves.
Mardi 23, à 14 heures: permaculture (art de cultiver la terre pour qu’elle reste fertile indéfiniment).
Samedi 27, à 14 heures; réunion d’info sur Center Parcs, thème hydrologie.
Dimanche 28, à 10 heures; atelier sublimer les souches de la forêt. A 14 heures atelier premiers secours.
Lundi 29, après-midi; cueillette et cuisine des plantes sauvages de nos régions. A 17 heures, session feu et en soirée bal folk.
Mardi 30, à 14 heures, pâtisserie.
Ne nous moquons pas ! Même s’il ne doit pas y avoir beaucoup de plantes sauvages à cueillir pour les cuisiner un 29 décembre dans les bois de Chambarans (ha, peut-être au Bois de Gargamelle !)

Chemin du Center Parc (C) Camille Bordenet

Ce comportement et ce discours rejoignent bien l’analyse que [nous avons faite (Pour-quelques-arpents-de-bois-et-de-champs-bons-à-rien) de leur idéologie: ce sont des décroissants. Quant à leur discours, il dénonce en permanence la société de commerce, de profit, la collusion des élus avec cette société et l’appel à une démocratie directe à laquelle ils participeraient à l’évidence.

A ce point de notre analyse, une grande inquiétude nous saisit. Ce ne sont pas des notions nouvelles, Nous avons déjà parlé de la Génération Y (Génération-Y-génération-quoi-génération-sacrifiée-…), ou Génération Millénium. Cette génération de ceux qui sont nés entre le début des années 80 et le début des années 2000, qui ont donc entre 15 et 35 ans, ne veut pas devenir adulte (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/12/27/la-jeunesse-actuelle-a-t-elle-envie-de-devenir-adulte/). Elle ne veut ni mariage, ni enfants, ni salaire, ni maison !
Avec un taux de chômage de 25 % chez les 15-24 ans et de 47 % chez ceux d’entre eux qui n’ont que le brevet ou aucun diplôme, il est possible de comprendre que la situation qui leur est faite puise entraîner un tel comportement.

Et si les zadistes n’étaient que la frange avancée et radicale de cette jeunesse désillusionnée ?

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Une jeunesse désenchantée

Il se nomme Emmanuel Schneider. Il est étudiant de l’Ecole Polytechnique. Il a entre 18 et 28 ans, ce sont là un peu les bornes de la Génération Y. Il a été choisi parmi plusieurs centaines d’étudiants qui avaient répondu à un appel lancé par le Cercle des Economistes: « Inventez 2020: la parole aux étudiants ». Et il vient de publier un texte dans le cadre des Rencontres Economiques d’Aix en Provence, un manifeste en faveur d’une jeunesse désenchantée (Le Monde du 1er juillet 2014).

Le préambule est raide !
Les jeunes ont de plus en plus de difficultés à entrer sur le marché du travail et le concept de génération sacrifiée, une génération caractérisée par le chômage de masse et les emplois précaires, est devenu réalité. Même les jeunes diplômés sont « malheureux » (Pourquoi-la-génération-Y-est-elle-malheureuse) parce qu’ils sont contraints d’accepter des emplois qui ne correspondent pas à leur niveau et parce qu’ils redoutent avant tout le déclassement.
« L’impression que la génération précédente, celle des baby-boomers, a assuré son bien-être aux dépens de la nôtre s’est installé »

Part de la génération Y dans la population (C)Palmis

Emmanuel Schneider propose alors une liste d’actions à plus ou moins long terme, qui toutes ont pour objectif de réinsérer la jeunesse dans le tissu social et de susciter une société plus cohésive, ainsi qu’il le dit plusieurs fois.
Parmi ses préconisations:

  • développer l’apprentissage, une nécessité qui sera d’ailleurs à l’ordre du jour de la Conférence Sociale de Lundi-Mercredi prochains, au moment où l’apprentissage s’effondre littéralement en France,
  • créer une allocation de début de vie, un complément plutôt qu’un salaire, ce qui pourrait permettre la mise en place d’un SMIC jeune. L’auteur rappelle qu’à salaire égal, celui du SMIC, pourquoi un employeur embaucherait-il un jeune à former à la place d’un salarié déjà formé en recherche d’emploi.
  • instituer un service public de l’emploi pour les nouveaux travailleurs,
  • assurer la représentation des jeunes dans la sphère politique. Cela implique la fin du cumul des mandats et la création d’une variante de la parité hommes-femme au bénéfice d’un équilibre jeunes-moins jeunes. Emmanuel Schneider précise qu’au Parlement il y avait en 1981 UN élu de moins de 40 ans pour UN élu de plus de 60 ans. En 2007, ce rapport est devenu UN à NEUF !!
  • engager une réflexion sur la pédagogie et développer une enseignement heureux et participatif.

    Toutes ces propositions méritent une large réflexion si l’on veut « réintégrer la jeunesse dans les sphères économique et politique de notre société ».
    « Dans le cas contraire, la jeunesse risque de se retourner vers les faiseurs de rêves populistes. Cela sonnerait comme le glas de nos démocraties libérales et risquerait de nous replonger dans les heures les plus sombres de notre histoire. »
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Génération Y, génération quoi ?, génération sacrifiée, …

Ce n’est pas France 2, mais France Télévision (http://generation-quoi.france2.fr/) qui a initié cette formidable enquête concernant les jeunes de 18 à 34 ans. 210000 participants ! On est loin, très loin, des sondages représentatifs réalisés avec un panel de 990 personnes !

Il est bien difficile d’en rendre compte en quelques lignes tant les résultats en sont riches et abordent toutes les facettes de la vie quotidienne des participants.
« Le Monde » (associé à l’enquête) a récemment publié une synthèse de quelques données, sous le titre « Frustrée, la jeunesse française rêve d’en découdre » (http://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/25/frustree-la-jeunesse-francaise-reve-d-en-decoudre_4372879_1698637.html).

Dans la continuité de notre dernier post, consacré aux yuppies malheureux de la génération Y, nous avons retenu ce soir quelques chiffres de ce sondage quasi grandeur nature.

« On nous dit d’être autonome et responsable. Mais on ne peut pas prendre en main son destin à cause des contraintes sociales. »

Pour 85% des jeunes, il y a de plus en plus d’inégalités en France.
Ils ne croient plus au progrès.
Pour 75% d’entre eux, le multiculturalisme ne leur pose aucun problème.
« On joue le jeu de la compétition éducative mais on n’y croit plus parce que la méritocratie est morte ».
A 51%, ils affirment que ce sont les générations précédentes qui sont responsables de la situation dans laquelle ils vivent.
86% d’entre eux n’ont pas confiance dans la politique, et 90% pensent que c’est la finance qui dirige le monde.
71% affirment que la société française ne leur donne pas les moyens de montrer ce dont ils sont capables.

25% des élèves entrés en 6° en 1995 ont décroché de l’enseignement secondaire (INSEE), dont plus de la moitié n’ont strictement aucun diplôme.
71% des jeunes pensent que l’immigration est une source d’enrichissement culturel.
27% des jeunes diplômés envisagent de chercher un emploi à l’étranger.
Si on leur demande de citer les trois préoccupations majeures qui les concernent, on obtient les 3E: l’Emploi pour 59%, l’Environnement pour 32% et le système Educatif pour 29%.

Même s’ils se méfient des « politiques », ils sont très politiques et l’abstention électorale doit se lire comme une attitude politique.
Et si « Le Monde » a pu dire que cette jeunesse rêve d’en découdre, c’est parce qu’à 61% ils sont prêts à participer demain à un mouvement de type Mai 68. Et ceci toutes formations confondues puisque cette position est affirmée par 66% des intérimaires, 63% des chômeurs, 60% des étudiants et encore 54% des CDI.

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Pourquoi la génération Y est-elle malheureuse ?

Cet article est extrait du blog « Wait but why » (http://waitbutwhy.com/about)
Nous en avons fait une traduction complète et fidèle. Il nous a semblé intéressant et utile de le porter à la connaissance du public, ce qui n’avait, jusqu’à présent, été fait que de façon très partielle.
Bien entendu, alors que l’on parle de malaise de la jeunesse, ce texte qui s’attache particulièrement à des jeunes urbains branchés et appartenant aux classes supérieures (voire fraction supérieure de la classe moyenne), ne saurait être représentatif de l’ensemble de la jeunesse. Cependant … l’extrapolation relative n’est pas interdite et par ailleurs, nous parlerons, aussi, des classes sociales plus défavorisées. D’autant plus que la vaste enquête conduite en 2013 par France 2 est actuellement publiée (http://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/25/frustree-la-jeunesse-francaise-reve-d-en-decoudre_4372879_1698637.html)

Bonjour Lucy !

Lucy fait partie de la génération Y, la génération de ceux qui sont nés entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Elle est également partie prenante de la culture yuppie, laquelle constitue une large partie de la génération Y.

Lucy

J’ai un terme pour les yuppies de ce groupe d’âge de la génération Y : GYPSY, c’est à dire GenY Protagonists & Special Yuppies. Un Gypsy est un type unique de yuppie, celui qui pense qu’il est le personnage principal d’une histoire très particulière.

Alors Lucy est contente de sa vie de Gypsy, tout comme elle est contente d’être Lucy. Sauf qu’il y a un problème : Lucy n’est pas heureuse.

Pour en comprendre la raison, il faut d’abord expliquer ce qui rend quelqu’un heureux ou malheureux. Et cela se résume à une simple formule :


BONHEUR = REALITE – ATTENTES

C’est assez simple : quand la réalité de la vie de quelqu’un est mieux que ce qu’il avait espéré, il est heureux. Et lorsque la réalité de la vie est moins bien que ce qu’il avait espéré, alors il est malheureux.

Pour donner un contexte à cette idée, nous allons commencer par mettre les parents de Lucy dans la discussion.

Lucy et ses parents


Les parents de Lucy sont nés au cours des années 50. Ce sont des « Baby boomers ». Ils ont été élevés par les grands-parents de Lucy, qui faisaient partie de la « Grande Génération », celle qui a vécu la Grande Dépression, parfois combattu au cours de la Seconde Guerre Mondiale et n’était assurément pas Gypsy.

Lucy, ses parents, ses grands-parents


Les grands-parents de Lucy étaient obsédés par la sécurité économique et ils ont élevé ses parents de façon à ce qu’ils parviennent à des carrières sures. Ils voulaient qu’ils aient un métier où l’herbe était plus verte que dans le leur. Et les parents de Lucy se sont installés dans des métiers qui leur apportaient la stabilité et la prospérité. Un peu comme ceci :

Herbe verte


Ils ont appris qu’il n’y avait rien ni personne qui pouvait les empêcher d’atteindre ce verdoyant gazon, mais que pour cela il fallait des années de dur labeur.

Les attentes des parents « baby boomers »


Après l’achèvement de leurs études, après avoir été des hippies insupportables, les parents de Lucy se sont attelés à leurs carrières. Les années 70, puis les années 80, puis les années 90 ont roulé tranquillement et le monde est entré dans une période de prospérité économique sans précédent. Les parents de Lucy ont fait encore mieux que ce à quoi ils s’étaient attendus. Cela les a rendus optimistes et heureux.

Une réalité encore mieux …


Avec cette expérience de vie plus lisse et plus douce que celle de leurs parents, les parents de Lucy l’ont élevée avec un sentiment d’optimisme et de possibilités illimités. Et ils n’étaient pas les seuls. Dans le monde entier, les « baby-boomers » ont dit à leurs enfants qu’ils pourraient être ce qu’ils voudraient être et ont instillé au fond de leur esprit l’idée qu’ils étaient des personnages particuliers.
Cela a donné aux Gypsy(s) énormément d’espoirs quant à leur carrière, au point qu’une pelouse verte n’était même plus leur objectif. La pelouse d’un Gypsy devait avoir également des fleurs.

La pelouse de Lucy


Cela nous amène à notre premier et important caractère des Gypsy(s).

Les Gypsy(s) sont sauvagement ambitieux

Les Gypsys sont ambitieux


Le Gypsy a besoin de beaucoup plus que d’une carrière, d’une belle pelouse verte, de la sécurité et de la prospérité. Le fait est qu’une belle pelouse verte n’a rien d’exceptionnel pour un Gypsy . Là où ses parents voulaient vivre le rêve américain, le Gypsy veut vivre son propre rêve personnel.

Cal Newport met en évidence (http://blogs.hbr.org/2012/09/solving-gen-ys-passion-problem/) que l’expression « vivez votre passion » n’apparaît qu’au cours des vingt dernières années dans le visionneur Ngram de Google (https://books.google.com/ngrams/graph?content=follow+your+passion&year_start=1985&year_end=2008&corpus=0&smoothing=3&share=&direct_url=t1%3B%2Cfollow%20your%20passion%3B%2Cc0), un outil qui montre comment une expression s’affiche dans la presse anglophone sur une période de temps (http://waitbutwhy.com/2013/08/putting-time-in-perspective.html). Ngram montre également que l’expression « une carrière sûre » (https://books.google.com/ngrams/graph?content=a+secure+career&year_start=1985&year_end=2008&corpus=0&smoothing=3&share=&direct_url=t1%3B%2Ca%20secure%20career%3B%2Cc0) est passée de mode, tandis que « une carrière valorisante » (https://books.google.com/ngrams/graph?content=a+fulfilling+career&year_start=1985&year_end=2008&corpus=0&smoothing=3&share=&direct_url=t1%3B%2Ca%20fulfilling%20career%3B%2Cc0) est devenue très populaire.

Popularité de l’expression « une carrière sûre »
Popularité de l’expression « une carrière valorisante »

Pour être clair, les Gypsy(s) désirent la prospérité économique, tout comme leurs parents. Mais, en plus, ils veulent s’accomplir dans leur carrière d’une façon à laquelle leurs parents n’ont jamais pensé.

Mais il se passe autre chose encore. Alors que les objectifs de carrière de la génération Y sont devenus plus ambitieux, Lucy, au travers de son éducation, a reçu un autre message.

C’est sans doute le bon moment pour préciser le deuxième caractère d’un Gypsy.
Les Gypsy(s) vivent d’illusions.

« Bien entendu », se dit Lucy,  »comme tout un chacun, je vais avoir une carrière enrichissante, mais moi je suis exceptionnelle et ma propre carrière et le tracé de ma vie vont se démarquer de ceux de tous les autres ». Donc, en plus d’être une génération ayant l’ambition commune d’obtenir une pelouse fleurie, chaque Gypsy pris individuellement pense qu’il est destiné à quelque chose d’encore mieux.

Une brillante licorne au sommet de la prairie fleurie

Mais pourquoi est-ce illusoire ? Tout simplement parce que c’est ce que pensent tous les Gypsy(s) et que ce fait même défie le sens du mot spécial :

Spécial (adj.) : singulier, particulier, propre à une personne ou à une chose.

Selon cette définition, la plupart des gens n’ont rien de spécial, sinon le mot « spécial » n’aurait aucun sens.

Même en ce moment, les Gypsy(s) qui lisent ce texte se disent : « Bien vu … mais moi, je suis l’un des rares qui soient vraiment spéciaux « , et c’est là qu’est tout le problème.

Une seconde illusion entre en jeu dès que le Gypsy se retrouve sur le marché du travail. Là où les espoirs de ses parents se caractérisaient par de nombreuses années de dur labeur qui pouvaient conduire éventuellement à une belle carrière, Lucy considère qu’une belle carrière est une évidence pour quelqu’un d’aussi exceptionnel qu’elle et qu’il ne s’agit que d’une question de temps et de choix judicieux. Ses espoirs précédant la période de travail ressemblent un peu à ça :

Les attentes d’un Gypsy

Malheureusement, les choses ne sont pas aussi faciles que cela. Et les grandes carrières nécessitent des années de sang, de sueur et de larmes pour être construites – y compris pour ceux qui n’ont ni fleurs ni licorne avec eux – et même les plus chanceux font rarement quelque chose d’exceptionnel entre 20 et 25 ans.

Mais les Gypsy(s) ne sont pas disposés à accepter cela.

Paul HARVEY, Professeur à l’Université du New Hampshire et expert Gypsy, a fait des recherches (http://www.unh.edu/news/cj_nr/2010/may/lw17gen-y.cfm) sur cette question et a constaté que la génération Y a « des espérances peu réalistes, une forte résistance à accepter un retour d’information négatif et une vue un peu suffisante d’elle-même ». Il dit que « l’une des sources de frustration des personnes qui ont une haute idée d’elles-mêmes se trouve dans les espoirs insatisfaits. Elles estiment souvent avoir droit à un niveau de respect de de récompense qui n’est pas en rapport avec leurs capacités et leurs efforts réels. En conséquence, elles risquent fort de ne pas obtenir ce qu’elles attendent ».

A l’attention de ceux qui ont à embaucher des membres de la génération Y, Paul Harvey recommande de poser la question suivante lors de l’entretien : « Vous sentez-vous généralement supérieur à vos collègues ou camarades de classe ? Et si oui, pourquoi ? ». « Si le candidat répond oui à la première question, mais se trouve en difficulté pour répondre à la seconde, il peut s’agir d’un problème d’auto-référence (de référence à soi-même). Parce que la perception des droits et des privilèges auxquels on prétend est souvent fondée sur un sens infondé de supériorité et de mérite. Ils ont été amenés à croire, peut-être par excès de zèle dans le renforcement de l’estime de soi au cours de leur jeunesse, qu’ils sont en quelque sorte spéciaux, mais ils manquent souvent de véritable justification en cette croyance ».

Et puisque le monde a l’aplomb de considérer le mérite comme un facteur important, alors Lucy se retrouve, peu de temps après sa sortie de l’université, ici :

Lucy, le nez en l’air …


L’extrême ambition de Lucy, couplée avec la haute estime de soi qui est la sienne (et qui vient d’être un peu rabaissée) lui ont procuré d’énormes espérances, dès la sortie de l’université. Malheureusement, la réalité n’est rien en regard de ces espérances. Le score heureux « réalité – attentes » qu’elle attendait est devenu négatif.

Et c’est pire encore. Par-dessus tout cela, les Gypsy(s) ont un problème qui concerne toute leur génération.

Les Gypsy(s) se sentent moqués et ridiculisés.

Bien sûr, certains collègues de lycée ou d’université des parents de Lucy ont eu davantage de succès que ce que ses propres parents n’ont obtenu. Et s’ils avaient entendu parler de temps en temps de ces réussites, pour la plupart ils ne savaient pas exactement en quoi elles consistaient. Pour sa part, Lucy se retrouve constamment humiliée par un phénomène contemporain : la vie des autres étalée sur Facebook (http://waitbutwhy.com/2013/07/7-ways-to-be-insufferable-on-facebook.html).

Les médias sociaux créent pour Lucy un monde où :

a) Tout ce font les autres se fait au grand jour,

b) La plupart des gens présentent une version favorable de leur propre existence,

c) Les gens qui parlent de leur situation sont en général ceux pour lesquels tout se passe bien. Les autres ont tendance à ne pas en parler.

Tout cela laisse à Lucy un sentiment, erroné, que tout va bien chez les autres et ne fait qu’ajouter à ses souffrances.

Lucy, moquée …

Voilà pourquoi Lucy est malheureuse, ou, à tout le moins, se sent frustrée et mal à l’aise. Elle a probablement bien débuté sa carrière, mais cependant elle est déçue.

Voici mes conseils pour Lucy :

1) Rester follement ambitieuse. Le monde actuel est en ébullition, avec la possibilité pour une personne ambitieuse d’y trouver son accomplissement.

2) Cesser de penser que vous êtes spéciale. En ce moment, vous n’êtes pas spéciale. Vous n’êtes qu’une jeune personne, encore totalement inexpérimentée et qui ne dispose pas de tout ce qu’elle pourrait offrir. Vous ne pouvez devenir spéciale qu’en travaillant pendant de longues années.

3) Ignorer tout le monde. Que l’herbe des autres semble plus verte n’est pas un nouveau concept, mais dans la représentation du monde d’aujourd’hui, l’herbe des autres est assimilée à une glorieuse prairie. La vérité est que tous les autres sont aussi indécis, doutent autant d’eux-mêmes et sont aussi frustrés que vous l’êtes. Si vous faites juste ce que vous avez à faire, vous n’aurez aucune raison d’envier les autres.

Le texte original est ici: (http://waitbutwhy.com/2013/09/why-generation-y-yuppies-are-unhappy.html|http://waitbutwhy.com/2013/09/why-generation-y-yuppies-are-unhappy.html)