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Mali: le Parlement français se livre à une formalité

En avez-vous entendu parler dans la presse ? Ou à la télévision ? Non, bien sur ! Et pourtant le Parlement français est saisi demain 22 avril 2013 pour débattre de la prolongation ou non de la présence française au Mali. Ce débat est rendu obligatoire par la Constitution (Art. 35) qui stipule que si une intervention peut être décidée par le Chef des Armées (le Président de la République), elle ne peut être poursuivie plus de quatre mois sans débat et autorisation parlementaires.
Faites un test : rechercher trace de l’annonce de ce débat sur Google, vous ne la trouverez pas. Il vous faudra atteindre un lien avec la presse malienne et notamment l’agence Maliweb pour avoir confirmation du fait.
Comme pour d’autres débats, il s’agit de faire vite, de ne pas s’attarder, bref de ne pas trop réfléchir et de profiter de l’inertie et de la douce soumission de la population française et de ses médias pour entériner une guerre et une occupation du pays malien.
La Commission des Affaires Etrangères et de la Défense du Sénat s’est déjà prononcée en faveur de la prolongation de l’intervention, mardi 16, et le résultat du débat ne fait l’ombre d’un doute pour personne.

Dans tous nos précédents posts consacrés à l’intervention malienne, nous avions souligné les risques inhérents à cette attitude guerrière et solitaire (solitaire parce que tous les moyens de négociation et de débat avaient été volontairement rejetés, aussi bien avec l’adversaire, qu’avec les pays de la région, qu’avec l’Europe).

Tout d’abord, le risque humain et sociétal, sanitaire et humanitaire. Ce sont des centaines de milliers de Maliens qui ont quitté leur pays pour échapper aux violences des islamistes et qui ne sont pas revenus depuis le début de l’intervention. Bien au contraire, les migrations se poursuivent pour la simple raison que la situation n’est en rien stabilisée et que les populations redoutent les nouvelles violences des militaires maliens, ou de nouveaux affrontements entre touaregs et africains noirs. En moins d’un an, de avril 2012 à février 2013, le nombre de réfugiés et déplacés maliens est passé de 268 000 à 457 000 (sources HCR) (http://maliactu.net/manque-cruel-de-fonds-pour-laide-humanitaire-au-mali/), lesquels se répartissent en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso, ainsi que dans les autres régions du pays, Bamako principalement. Nul besoin de vous raconter ce que sont les camps de réfugiés, mais si vous en avez l’envie, allez faire un tour sur les pages du HCR.

Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (DR)

Les réfugiés, les déplacés, ce sont autant de familles qui ont tout abandonné, qui ont tout perdu et qui ne retrouveront jamais le peu qu’elles possédaient auparavant, mais qui leur permettait de vivre et de s’insérer dans la société. La destruction de ce tissu sociétal rend caduque et mensonger tout discours sur le développement futur de la région, un discours déjà bien difficile à croire pour lui-même.

Ensuite, le risque ethnique. Certains esprits forts affirment que ce n’est pas là l’une des dimensions du conflit qui agite la région depuis longtemps. Oh, que si ! Les troupes françaises ne sont pas encore parties parce que cet aspect de la question malienne n’est absolument pas solutionné à l’heure actuelle. Pour mémoire, aucun soldat malien n’opère à Kidal. Pourquoi ? Pour mémoire, seuls les tchadiens interviennent dans cette région et ils parlent de se retirer du Mali. Quant à la ville, sécurité et fonctionnement quotidiens y sont assurés par les touaregs du MNLA. Il y a de la scission dans l’air ! Une scission que jamais les Maliens ne sauraient accepter (http://maliactu.net/fenetre-ouverte-pourquoi-nos-braves-soldats-ne-sont-pas-a-kidal/). Une scission lourde de dangers, très lourde.

Enfin, un risque politique. Nous ne parlons pas de chez nous, en France, pays où le débat tourne autour du mariage pour tous, ou du patrimoine des ministres, mais bien du Mali.
Le débat démocratique dans ce pays devient de plus en plus contrarié, les journalistes en savent quelque chose. Outre le cas de Boukary Daou, qui a été emprisonné par les Services de Renseignement maliens (délibéré le 23 avril), Reporters Sans Frontières a souligné que les cas de violences ou d’intimidations auprès des journalistes ont augmenté au point que le Mali est passé de la 25° place à la 99° dans son classement relatif à la Liberté de la presse (http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2013,1054.html).
Tout dernièrement , Malijet a annoncé que « Coulibaly et Fabius ont frôlé l’incident diplomatique », mais le lien a très rapidement été supprimé. Pour expliquer l’histoire, il semble que le Ministre des Affaires Etrangères (Coulibaly) n’ait pas du tout apprécié d’être exclu d’un tête à tête entre Fabius et Diaconda Traoré, le Président en intérim.
Autre exemple de la décomposition politique, un exemple qui nous ramène au conflit avec les touaregs du MNLA. Ceux-ci ont appuyé, selon leurs dires, la nomination d’un Gouverneur de la région de Kidal; Mohamed Ali Ag Albassaty . Qui l’a désigné ? Nul ne le sait bien, puisque le Ministre de la Communication du Mali considère qu’il s’agit là d’un non-évènement car un gouverneur doit être désigné par le Conseil des Ministres, ce qui ne semble pas être le cas : « Kidal fait parti du Mali. Ceux qui se donnent le droit de nommer un gouverneur sont incompétents pour le faire ».
Un autre fait ? Aminata Traoré, dont on a déjà beaucoup parlé ici, et Oumar Mariko, un militant anti-capitaliste d’ultra-gauche, se sont vus interdire de visa (http://www.maliweb.net/news/politique/diplomatie/2013/04/21/article,141163.html), par la France, pour venir en Europe, en particulier en Allemagne, afin de présenter leurs points de vue sur l’avenir du Mali dans le cadre d’un débat organisé par le journal Prokla et la Fondation Rosa Luxembourg.

Cette décomposition politique du Mali est donc alimentée depuis la France, une preuve en est le discours de François Hollande, le 28 mars , sur France2, lorsqu’il a sommé le Mali de mettre en place des élections présidentielles (à minima) avant juillet, déclarant qu’il serait « intraitable » sur la question (http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/02/le-mali-une-province-francaise-comme-les-autres). Avons-nous déjà entendu le Président français exprimer avec une telle véhémence son souci de voir l’Italie, par exemple, se sortir d’une situation politique ubuesque ? Non, il n’est pas admis de se comporter avec l’Italie, par exemple, comme l’on peut se comporter avec le Mali, pays que l’on vient de visiter de sud en nord. La France a un vital besoin d’élections afin de « légaliser » au plus vite sa position, et peu importe que le pays soit aussi divisé, voire davantage qu’avant l’intervention, peu importe si les populations sont déplacées en plus grand nombre qu’avant l’intervention, les arguments qui prévalaient en décembre 2012 pour ne pas faire d’élection n’ont plus cours en mai 2013.

Un dernier risque était celui des otages. La libération de la famille retenue au Nigéria ne saurait les faire oublier. Mais où sont-ils ?

Oui, le débat que les honorables parlementaires (députés et sénateurs) vont conduire ce 22 avril est bien loin de la réalité : « une simple formalité ».

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Guerre au Mali: la parole de ceux qui sont contre

Hier soir, 23 janvier, après moins de deux semaines de conflit, France 2 fait l’impasse totale sur la guerre au Mali. Il n’y a déjà plus rien à en dire.
Aux dires des sondagiers, ce sont 75% des Français qui approuvent l’intervention. Pour ce qui concerne le gouvernement et ses services de la défense, des affaires étrangères, du budget ou de la communication, c’est « pain béni » et « pourvu que ça dure ». Pour ce qui concerne les médias, c’est exactement la même chose, l’audience et/ou le lectorat sont là, ce n’est pas le moment de les déranger. Donc suivisme et servilité ! C’est le cas de toute la presse, hebdomadaire ou quotidienne, du « Figaro » à « La Croix », en passant par « Le Monde » et « Libération », C’est le cas également de toutes les radios et télés.
L’opposition à ce conflit (celle de 25% de Français) est caricaturée et réduite à la prise de position du Front de Gauche et aux déclarations de Villepin ou de Giscard d’Estaing, cette dernière bien malvenue.
Par contre cette presse n’hésite pas à souligner l’opposition de Mohamed Morsi, Président égyptien, aux affrontements du Mali: il est tellement facile de faire d’une pierre deux coups, conforter le discours officiel et rejeter davantage encore Morsi parmi les islamistes !

Au motif d’expliquer un peu ce qui se passe, tous nous refilent des petites accommodations avec la vérité et de grands mensonges.
Les petites accommodations vont se nicher dans les cartes géopolitiques qui, insidieusement, vous placent Diabali bien plus proche de Ségou qu’il n’est réellement (il faut faire croire que le danger était réel), dans les chronologies qui vous annoncent que Mopti a été conquise par les islamistes avant l’intervention française (même raison), dans les reportages qui précisent que les adversaires étaient au nombre de 400 dans Diabali, alors qu’ils n’étaient que quelques dizaines (il faut donner du corps aux combats) ou encore dans les débats qui sont à sens unique, seuls les partisans de la guerre ayant la possibilité de s’exprimer au travers de quelques nuances.
Quant aux grands mensonges, ce sont les mêmes dans la bouche des officiels, dans celle des journalistes ou dans celle des commentateurs. Ils sont au nombre de quatre, ces grands mensonges. Un récent « point de vue » de Jean-François Bayart (Directeur de Recherche au CNRS) dans « Le Monde » du 23 janvier les résume très bien.

Le premier mensonge fait référence aux négociations prévues par la résolution 2071 de l’ONU, laquelle exhortait les autorités du Mali, les rebelles, les pays voisins et les partenaires bilatéraux à se retrouver pour engager un processus politique viable. On nous dit que ces négociations ont échoué. C’est faux, elles ont été sabotées par les « autorités maliennes » qui ne voulaient pas en entendre parler, par l’Europe et la France qui se sont abstenues d’y prendre part alors qu’elles y étaient invitées au travers des « partenaires bilatéraux ».
Le second mensonge porte sur l’appel à l’aide du Mali, dont Monsieur Bayart nous dit qu’il s’agit de l’appel à l’aide « explicite de son homologue malien ». Or, cet « homologue » n’est investi d’aucune représentativité, ni d’aucune légitimité. Il n’est que le jouet d’un capitaine putschiste qui peut le remplacer demain matin s’il le veut. Convaincu de ne pouvoir obtenir aucune légitimité, ils ont tout fait (le capitaine et le président) pour éloigner l’idée d’un nouveau scrutin présidentiel au motif que Nord et Sud n’étaient pas réunis. C’est faire vraiment peu d’honneur à notre Président Hollande que de classer la marionnette malienne au rang de ses « homologues ».
Le troisième mensonge concerne la résolution 2085 dont on a déjà parlé (Mali:-après-une-semaine-de-guerre) et qui n’autorise le déploiement d’une force que sous conduite africaine.
Le quatrième mensonge ressemble beaucoup à la fable des « Armes de dissuasion massive ». Dans le cas présent, il s’agit du danger immédiat couru par la capitale Bamako et les milliers d’expatriés français devant l’avancée inexorable des islamistes. De ce quatrième mensonge, on a également déjà parlé (Mali:-après-une-semaine-de-guerre).

Donc, tout le monde ou presque est pour la guerre !
Et les commentateurs de se répandre sur l’après-conflit en nous affirmant que tout restera à faire, que la guerre ne solutionnera pas grand-chose et qu’une nouvelle politique d’aide au développement sera nécessaire. Nous reprenons là les termes exacts de Jean-François Bayart. Et nous disons que c’est vraiment se foutre de la gueule du monde, parce que c’est exactement ce qu’il aurait fallu faire AVANT, afin d’empêcher les djihadistes de prendre racine et de se développer.
Au passage, son article nous refile des tableaux pour lesquels personne ne prend la peine de convertir des dollars et des francs CFA en une même monnaie, l’euro par exemple, pour que le lecteur comprenne.
Le tableau représentant l’Aide Publique au Développement en faveur du Mali (http://www.memoireonline.com/10/09/2819/m_Etude-de-laide-publique-au-developpement-de-la-france-au-mali-cas-de-leducation5.html) couvre la totalité de l’Aide française, européenne, US et s’élève à 815, 4 millions d’euros en 2010. Quant au tableau représentant les transferts de fonds des travailleurs maliens en France, il indique un montant de 288,1 millions d’euros en 2010 (soit 4% du PIB), à comparer aux 96 millions d’euros de l’Aide Française au Développement (http://www.afd.fr/home/pays/afrique/geo-afr/mali/afd-mali). Au passage, rappelons à l’auteur de cette tribune que Nicolas Sarkozy n’a jamais contribué à l’affaiblissement de l’autorité du Président ATT en exigeant de lui la signature d’un accord de réadmission des migrants clandestins. Amadou Toumani Touré a toujours, avec fermeté, refusé de signer cet accord et la majorité de son peuple lui en a été reconnaissante.

Faut-il redire encore ce que l’on aurait pu faire AVANT ?
Prendre en considération les populations multiples de cette région du Nord-Mali, arabes comme touarègues ou noires africaines, leur proposer des axes de développement, les associer à la gestion politique de la zone, y développer une démocratie de dialogue, leur parler des futures ressources en pétrole, voire en uranium comme un peu les leurs, …
Qui pouvait le faire mieux que la France, avec l’Europe ?

Cela n’a pas été fait. Nul doute qu’on le fera APRES ….


Nous avons ici beaucoup parlé des risques que comporte cette aventure militaire. Après les revanches et exécutions sommaires, voici venir le temps des camps de réfugiés: le nord du Burkina Faso est déjà bien déséquilibré par les milliers de réfugiés qui fuient les zones de combat ou de futur combat.
A lire un très intéressant reportage de Sophie Arutunian et Cécile Bourgneuf (http://www.mediapart.fr/portfolios/au-burkina-faso-avec-les-refugies-maliens) sur un camp du Burkina, publié sur Médiapart. Merci pour l’emprunt de la photo la plus « neutre ». Allez voir les autres !

D’autres questions se posent et mériteront quelques explications un jour ou l’autre.

Réfugié maliens au camp de Mintao – Burkina (C)Croix-Rouge de Monaco
  • Quelle est la situation réelle des otages français ? Comment peut-on affirmer qu’ils sont vivants ? Où sont-ils détenus ? Pourquoi leurs ravisseurs n’en parlent-ils plus, alors qu’ils devaient servir de monnaie d’échange ou de chantage ?
  • Au sujet du « discours » de l’adversaire, comment se fait-il que les médias le considèrent comme inexistant ? Les djihadistes sont-ils muets ? Où et comment s’expriment leurs meneurs ? Que disent-ils ?

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Guerre au Mali: premières dissonances

Troisième ? quatrième jour ?
Enfin, certaines critiques commencent à se faire jour. C’était à croire que tout le monde était anesthésié et n’avait pas d’autre mot à la bouche que « Bravo, il fallait le faire ! »
L’Algérie, quand bien même elle a autorisé le survol de son territoire (pouvait-elle faire autrement ?), a précisé qu’elle avait soutenu le dialogue et qu’elle continuera à le faire. Mais en cas d’atteinte à son intégrité, elle réagira. En fait, considérant que cette intervention française se place en réponse à un appel malien, elle ne participera à quelque opération que si des éléments extérieurs pénètrent sur son territoire. On ne peut pas vraiment dire que ce soit un soutien ou un appui. De son coté, la presse algérienne est extrêmement critique et dénonce le choix de la France.
En France ? les seules informations dont on dispose sont millimétrées, les photos inexistantes. Ce soir La Croix, Le Nouvel Obs, Libé, Le Point, d’autres encore, reprennent le même communiqué de l’AFP: « La France, « en guerre contre le terrorisme »,bombarde le Nord … ». Extraordinaire diversité d’opinions …
Le pavé dans la mare le plus singulier ne nous vient pas de la gauche de la gauche (Nathalie Arthaud, par exemple, fidèle à elle-même), mais de la droite, de Dominique de Villepin (http://www.lejdd.fr/International/Afrique/Actualite/Villepin-Non-la-guerre-ce-n-est-pas-la-France-585627) qui déclare qu’au Mali, « aucune des conditions de la réussite n’est réunie » et que « seul un processus politique est capable d’amener la paix ». Il est peut-être dommage que cette opinion vienne de lui, mais elle est toujours bonne à prendre !
C’est celle que nous défendons ici depuis plusieurs ..mois !

Dominique de Villepin (c)SIPA


Hier, nous posions la question de savoir ce que Romano Prodi pensait de ces évènements, lui qui était encore jeudi à Bamako. Il est un autre homme, qui a pourtant fait beaucoup pour tenter de mettre en place un dialogue, même si ce n’était pas sans arrière-pensées, et dont personne ne parle. Il s’agit de Blaise Compaoré, Président du Burkina, qui vient de déclarer qu’il enverra un détachement au Mali. Que fait-il de tous ses efforts ? passent-ils pour pertes et profits ?

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Que peut apporter la France lors de sa visite en Algérie

Les 19 et 20 décembre prochain, François Hollande sera en visite officielle en Algérie. Il s’agit là d’une visite politique et d’une visite à hauts risques. Les attentes des Algériens sont nombreuses et ils ne se satisferont pas de la restitution prévue des Clefs d’Alger remises en 1830 par le dey Hussein lors de la capitulation de la ville. Alger attend de cette visite un effort quant à la « mémoire » et à la présentation des évènements de près d’un siècle et demi qui ont suivi cette colonisation.
Ils attendent également que la France prenne -enfin- une position courageuse en ce qui concerne l’avenir du Sahel et donc l’avenir de tous les pays limitrophes: Algérie bien entendu, mais aussi Maroc, Tunisie, Libye, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie.

Dans un précédent billet (Nord-Mali:-les-positions-bougent), nous estimions que les « lignes » bougeaient. Est-ce bien sûr ? Ou, au contraire, nous trouvons-nous face à un durcissement des positions ?
D’un coté, les opposants à une intervention militaire au Nord-Mali viennent de se trouver renforcés par une prise de position ferme de la Tunisie qui « soutient l’approche algérienne et rejette totalement l’option d’une intervention militaire ». La Tunisie désire que soit « privilégié le règlement par la négociation des problèmes religieux, ethniques, sociaux et politiques entre le Nord et le Sud du Mali ».

Sur l’autre bord, à Bamako, une coalition de partis et d’associations maliens refuse toute négociation au motif que les touaregs ne sont pas représentés par le MNLA et que, de toutes façons, « ils sont minoritaires au sein de la population du Nord ». Un méthode pour rejeter toute tentative de dialogue qui pousse certains commentateurs à employer des expressions radicales visant à « solutionner la question touarègue ». Voilà qui augure bien mal du climat d’un éventuel conflit militaire dans le Nord-Mali !

Entre les deux, l’Europe, dont la France, qui se « prépare » à une option militaire et qui ne tient la négociation que pour partie très négligeable. La position de François Hollande n’a guère évolué depuis octobre, alors même qu’il expliquait que l’intervention était inévitable et qu’il se faisait fort de convaincre l’Algérie de cette « évidence »: « L’Algérie regarde avec méfiance une possible intervention ? A moi de rassurer l’Algérie ». »
Et puis l’ONU, dont le Secrétaire Général s’éloigne de plus en plus de l’approbation d’une opération armée, suivant en cela les recommandations de son envoyé spécial Romano Prodi. Ban Ki-Moon ne parle désormais que d’une « intervention nécessaire en dernier recours » et probablement pas avant septembre 2013, ce qui entraîne la fureur des ministres de la CEDEAO qui considèrent que cette attitude est « déphasée et en-deçà des attentes ».

Ban Ki-Moon (DR)

Plutôt que de se réfugier dans l’attentisme guerrier, la France ne pourrait-elle pas prendre l’initiative et favoriser le dialogue entre toutes les parties en prenant à son compte les recommandations tunisiennes ? Les problèmes religieux, ethniques, sociaux et politiques ont toujours été négligés dans cette partie du monde. Les accords, de paix souvent signés avec la médiation de l’Algérie, entre Sud et Nord-Mali, n’ont jamais été suivis de mise en application. Les entreprise françaises, Areva comme Total ou d’autres, ne sont pas réputées pour se comporter avec un esprit de coopération. Ne pourrions-nous mettre en avant un médiateur sachant parler de la coopération juste ? Il est des ministres qui savent parler aux entreprises en ce qui concerne l’emploi, ne peut-il se trouver un ministre qui sache demander aux entreprises opérant dans le Sahel d’employer des personnels issus de la population locale, de les former à des métiers qualifiés, de participer au développement local des pays d’action (routes, équipements sociaux et culturels, santé …), d’associer les gouvernements locaux à la gestion des équipements et au partage équitable des revenus, … ?
Le Nord-Mali est actuellement une « zone de non-droit » tout comme le sont (toutes proportions gardées) certaines de nos banlieues. Et comme dans nos banlieues ce n’est probablement l’intervention policière d’un coté, ou militaire de l’autre, qui apportera une solution durable et acceptable par tous. Considérer que les populations touarègues ne doivent que se taire parce qu’elles sont minoritaires relève d’une faute politique impardonnable et surtout lourde de dangers.

En fait, si la France doit apporter des clés dans ses bagages pour l’Algérie, ce sont avant tout les clés d’une solution politique des questions sahéliennes.