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Immigration: maigre avancée

Le gouvernement va prochainement présenter devant le Parlement un cinquième texte en sept ans relatif au traitement de l’immigration clandestine en France. Ce texte a pour volonté de transcrire en droit français ce que la directive européenne “Retour” et d’autres directives ont arrêté.

La dernière version du texte (http://www.immigration.gouv.fr/spip.php?page=actus&id_rubrique=254&id_article=2148) prévoit la création de zones non matérielles créées dès la constatation d’une arrivée irrégulière d’étrangers, de façon à les placer en situation de rétention administrative.

Le juge de la liberté et de la détention (de ceux qui ont mis en liberté les 123 kurdes arrivée en Corse) ne sera saisi que 5 jours après la mise en rétention au lieu de 2 actuellement. Et la durée de rétention pourra être prolongée de deux fois 20 jours au lieu de deux fois 15 jours actuellement.

Un étranger sans papier se verra interdire le retour en France et en Europe pour une période maximale de cinq ans. Dans une première version, une peine d’emprisonnement était prévue si un retour était constaté: elle semble avoir disparu.

Les employeurs seront plus sévèrement punis en cas d’embauche de salariés sans papiers.

Enfin, le texte sujet à interprétations quant au “délit d’assistance” aux immigrés sans papiers sera réécrit de façon à protéger de toute poursuite ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux étrangers en situation irrégulière.

Le débat relatif à l’immigration reste singulièrement bloqué en France (et sans doute en Europe en général) avant tout parce que personne, d’un coté ou de l’autre, ne cherche à faire le moindre effort pour avancer dans la réflexion.

Notre ministre de l’immigration est en droite ligne des considérations européennes qui prévalent. Certes, la politique de l’immigration qu’il pratique au grand jour relève beaucoup de la gesticulation et de la stratégie de siphonnage de l’extrême-droite. Son récent débat sur l’identité française, qui s’est soldé par un fiasco, en est un exemple parfait. Les chiffres de l’immigration ne se résument pas au chiffre des expulsions. Ce sont plusieurs dizaines de milliers d’étrangers qui, chaque année, bénéficient de la nationalité française, ou d’un titre de séjour, ou d’une régularisation. J’ai publié les chiffres ici (Pierre-Camatte-et-les-Maliens-sans-papiers) et vous invite à y aller.

Il n’en reste pas moins que la politique conduite est une politique de fermeture des frontières, de limitation du nombre des immigrés, une politique qui traduit la peur de nos concitoyens et qui ne montre aucune dimension de solidarité internationale. Les titres de la presse de ce jour annoncent que l’Europe économique ne jouera bientôt qu’en “seconde division” derrière la Chine, l’Inde et les USA. Notre refus d’une immigration consentie en sera l’une des causes.

Du Pacte Européen pour l’Immigration et l’Asile, adopté par l’Europe sous présidence française, il ne reste que le coté répressif que d’aucuns trouvent encore insuffisant. Ils réclament pour cela la création d’une vraie police Frontex (enregistrement et partage des informations, procédures d’asile aux frontières de l’espace européen, contrôle des frontières des pays de transfert, …).

Immigration (DR)

Face à cela, les associations engagées dans l’aide aux immigrés, Cimade (http://www.cimade.org/), Secours Catholique (http://www.secours-catholique.org/action_france/migration_etranger.htm), Emmaüs (http://www.emmaus-france.org/) sont incapables de tenir un discours tenant lieu d’une AUTRE POLITIQUE. Un exemple récent en est le texte commun à ces trois associations publié dans Le Monde daté du 1er avril. Après avoir justement dénoncé les travers du nouveau texte bientôt proposé au Parlement, les signataires n’avancent comme “autre solution” que ceci: régulariser les étrangers installés en France depuis des années ! Non pas qu’il ne faille pas le faire, mais là n’est pas la réponse à l’immigration. Ce n’est qu’une réponse à la présence de nombreux travailleurs sans papiers (Emigration-Immigration-Intégration) dans notre pays. A ce sujet, il est d’ailleurs tout à fait incompréhensible qu’une société fichée comme l’est la nôtre soit incapable de mettre en évidence que des travailleurs sans papiers sont embauchés et payent des cotisations sociales !

Le discours de ces associations fait encore trop souvent appel à des sentiments honorables certes, mais qui ont le tort de déformer la réalité. Ainsi de la description fréquente du migrant qui a fuit la misère. Or, exception faite des migrants en provenance de zones en guerre, celui qui quitte son pays est bien souvent formé et originaire de classes moyennes. Il dispose des moyens pour payer (chèrement) sa migration et il est animé d’une farouche volonté de réussite pour lui et pour sa famille.

Si la politique d’immigration en France fait problème, c’est parce qu’elle n’a JAMAIS été analysée en termes objectifs. Pour l’extrême droite, c’est l’immigration elle-même qui fait question. Pour la majorité et les pouvoirs européens, il s’agit avant tout d’une façade défensive exprimée en quelques chiffres d’expulsions. Pour les associations d’accueil, il s’agit d’humanité et de fraternité.

N’est-il pas possible de poser quelques questions ?

-Quelle est la mesure de la vraie demande en matière d’immigration ? Combien sont-ils aux frontières de l’Europe, aux frontières des pays de transfert (Libye, Algérie, Maroc, Turquie, …) à se presser pour espérer entrer ?

  • Quelles sont les possibilités de la France et de l’Europe en matière d’hébergement, formation, logement et embauche des ressortissants des pays en développement ?
  • Quels sont les besoins de la France et de l’Europe en travailleurs originaires des PED ?
  • La présence de ces travailleurs est-elle susceptible de coûter à la France et à l’Europe ? Quel en est l’impact sur le marché du travail et sur l’évolution des emplois et des salaires ?
  • Les cotisations sociales de cet accroissement de population en Europe sont-elles susceptibles d’apporter une réponse aux difficultés de financement des retraites, du vieillissement, de la dépendance ?
  • La présence de ces travailleurs est-elle susceptible d’apporter une réponse aux besoins de la France et de l’Europe en matière de main-d’oeuvre, de croissance et d’innovation ?
  • L’intégration des migrants peut-elle se réaliser, entre autres, par le biais du droit de vote aux élections locales ?
  • Comment l’intégration des immigrants doit-elle s’articuler avec le développement des pays dont ils sont originaires: transfert d’argent, politique de retour, aide à l’investissement, … ?

Très certainement, d’autres questions peuvent et doivent encore être posées. Des réponses doivent être apportées. Un vrai débat doit s’instaurer, qui doit regrouper toutes les représentations de la France et de l’Europe: hommes et femmes politiques, syndicalistes, employeurs, militants associatifs, chercheurs, médias, … . Un terme doit être mis à cet affrontement stérile de deux logiques incomplètes et imparfaites: une attitude de contrôle, de rejet et du chiffre contre une attitude de générosité de principe.

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Emigration-Immigration-Intégration

Pour compléter la réflexion sur ce thème, voici trois “documents” forts.

1°) Il s’agit d’un site internet au Sénégal, dont une rubrique traite des méthodes légales et moins légales pour émigrer en Europe et obtenir, avec un bon pourcentage de chance, un titre de séjour. Attention, c’est fort, c’est parfois cynique, les “blancs” en prennent plein la g…, mais c’est si vrai: senegalaisement.com Mais il faut lire également le reste !

2°) Dans la suite du précédent post, une vidéo réalisée par un collectif de cinéastes et relative à la lutte des travailleurs sans-papiers qu’il faut régulariser. Y a t-il économiquement, politiquement, socialement et humainement une autre solution ? Alors, qu’attends t-on ?

Le dessin qui va avec:

Travailleurs sans papiers

3°) Le magazine “Respect mag” a publié un Appel pour une République Multiculturelle et Postraciale signé par Lilian Thuram, François Durpaire, Rokhaya Diallo, Marc Cheb Sun et Pascal Blanchard. Il est “malheureusement” vendu avec le n° 24 du magazine, ce qui en limitera la diffusion (6 €). Pierre Bergé n’aurait-il pas quelques milliers d’euros à consacrer à une distribution de cet opuscule ? Cet appel est accompagné de 100 propositions pluricitoyennes: il faut lire le tout .

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Pierre Camatte et les Maliens sans-papiers

Ce post patiente depuis plusieurs semaines pour être publié. En fait, il attendait la libération de Pierre Camatte. C’est chose faite aujourd’hui et l’on ne peut que s’en réjouir. Lors des trois mois de détention, nombreux ont été ceux qui en France comme au Mali ont pris quelque plaisir à jeter de l’huile sur le feu, notamment autour de la question du tourisme dans le nord du Mali, de l’identité du ravisseur initial de Pierre Camatte ou des déplacements de Bernard Kouchner.

Les conditions de la libération sont à peu près connues; elles laisseront des tensions, des amertumes, des rancœurs non seulement au Mali, mais aussi en Mauritanie et en Algérie.

Pierre Camatte

Le 3 février dernier, les discussions entre la France et le Mali pour un accord sur l’immigration ont à nouveau achoppé sans que les associations françaises fassent le moindre commentaire. Le point fondamental de désaccord est celui de la régularisation des sans-papiers maliens en France. Ceux-ci sont au nombre de 45000-50000. Bamako souhaite que 5000 d’entre eux soient régularisés chaque année et Paris n’en propose que 1500. Les deux points de vue sont-ils vraiment inconciliables ?

Au-delà du commentaire unilatéral qui est fait autour de la question des sans-papiers expulsés hors de France (29288 en 2009), il faut savoir que près de 21000 sans-papiers ont été régularisés en 2009 (Le Monde du 22/12/2009):

  • 2800 au titre de la reconnaissance par le travail (2800 également en 2008).
  • 3200 au titre des raisons humanitaires, les “admissions exceptionnelles au séjour”.
  • environ 15000 au titre des “liens personnels et familiaux qui sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale”.

Ajoutons à cela (La Nouvelle République 11/02/2010) que 173991 titres de séjour ont été délivrés en 2009, dont 27966 à titre professionnel, 74008 au titre du regroupement familial, 10864 pour les réfugiés.

En 2009 toujours, 108275 étrangers ont acquis la nationalité française.

Tous ces chiffres placent la France en tête des pays européens pour l’acquisition de la nationalité et pour le nombre de demandes d’asile reçues.

Mais ces chiffres ne précisent aucunement quelle est la part des maliens dans ces naturalisations, titres de séjour ou régularisations. Cependant, à y bien regarder, la régularisation de 3500 maliens de plus que ce que propose le gouvernement français ne paraît pas insurmontable et aurait plusieurs avantages dont les moindres ne sont pas:

  • renvoyer un ascenseur humanitaire vers le Mali,
  • solutionner partie du problème des sans-papiers qui font grève depuis plusieurs mois,
  • et trouver un accord sur la question de l’immigration des maliens.
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Migrations Mali-France: le débat tourne à l’aigre

En début d’année, le Mali a refusé (ce n’était pas la première fois) de signer l' »Accord de gestion concertée des flux migratoires » que lui proposait la France. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts de Bamako comme sous ceux de Paris et il fort probable que les échanges et négociations se poursuivent.

D’un autre coté, le CIGEM (Centre d’Information et de Gestion des Migrants), organisme dirigé par le Ministère des Maliens de l’Extérieur et basé sur une politique de collaboration avec l’Europe dans le domaine des migrations, a récemment (12 juin) renforcé son action en signant un accord avec l’ANPE, le FAFPA, APEJ et les UFAE pour mettre en œuvre la « promotion de la migration légale de travail en faveur de l’emploi et de l’insertion professionnelle ».

Alors, l’Association des Maliens Expulsés (AME) prend peur. Lors de son 3° Forum des Journées Ouvertes sur l’Immigration (20 juin), cette Association et son Comité de soutien ont fait adopter par un petit public une “Déclaration de Bamako” qui recommande notamment la  »rupture d’avec la politique française de l’immigration dite “choisie” et “répressive”, voulue par le Président français et plusieurs pays européens ». Cette déclaration demande notamment que les ambassades maliennes mettent fin à la délivrance de laissez-passer qui favorise l’expulsion des maliens.

Avant cette réunion qui avait pour but, selon les organisateurs, de « monter la pression », un certain nombre de faits ou de discours étaient déjà symptomatiques d’un durcissement.

  • le 26 mars, l’Agence Temoust (agence de presse militante touarègue) annonçait que,  »selon ses sources », la France s’était donné pour objectif la reconduite volontaire ou forcée de … 2700 maliens en 2009 ! Pour information, il convient de savoir qu’aux dires même de l’AME, les reconduits étaient 479 entre le 01/01 et le 30/11/2007 et 351 entre le 01/01 et le 30/11/2008.
  • interpellation récente du Ministre des Maliens de l’Extérieur par un député d’opposition qui annonce le chiffre de 45 rapatriements forcés par mois en moyenne depuis le début de l’année, ce que le ministre conteste en parlant de 10 par mois (et de 21 par mois en 2008).
  • la presse d’opposition et la presse militante développent de plus en plus souvent des arguments simplistes à l’encontre de la France et parlent de “chasse aux immigrés”.
  • et très récemment, l’affaire des dix maliens dont Air France a refusé l’embarquement parce qu’ils n’étaient en possession que d’un récépissé de demande de titre de séjour, ce qui a entraîné une vive réaction du ministre des transports et une « interpellation » du responsable d’Air France, laquelle « interpellation » devenait dès le lendemain une « courtoise demande d’explications ».

Et en France ? En France, le débat est largement conduit par la CIMADE, ce qui explique un peu l’acharnement du Ministre de l’Immigration à ne pas vouloir la laisser seule sur le terrain. Elle s’attache avec excellence à son rôle de soutien, aide et compassion à tous ceux qui n’ont ni toit, ni travail et qui risquent l’expulsion. Mais a t-elle raison de refuser en bloc toute la politique européenne d’immigration en parlant de vision utilitariste et sécuritaire de l’immigration ? Ne peut-on distinguer fermement les deux volets et être intransigeant sur le volet humanitaire (centres de transit, liberté de circulation, droits élémentaires… ) afin d’être plus ouvert sur le volet “politique” ? Ne peut-on souhaiter un développement d’une immigration enrichissante pour l’un et pour l’autre, qu’elle soit professionnelle, scolaire, éducative ou familiale ? Pourquoi poser un a-priori selon lequel cette immigration ne saurait que favoriser la fuite des cerveaux ? Pourquoi affirmer (sans preuves convaincantes) que le développement d’un pays n’entraîne pas une diminution de ses migrants ? Pourquoi accuser les essais d’organisation et de facilitation des transferts financiers par les migrants, de tentatives de spoliation d’une manne alléchante ?

La Cimade a un discours humanitaire intéressant, elle prône ouvertement un monde sans frontières, mais fait-on une politique avec une espérance dont la réalisation n’est pas pour demain ?

Les migrants eux-mêmes affirment que « les gens ne quittent pas leur pays par plaisir, mais pour la plupart parce qu’ils y sont contraints pour vivre ou survivre ou faire survivre leurs proches ».

Alors que la crise fait déjà chuter dramatiquement les transferts de fonds vers les pays d’origine, alors que la crise entraîne la suppression des emplois par milliers, ne serait-il pas raisonnable d’aborder la question de l’immigration avec moins de parti pris mais plus de pédagogie et plus d’humanité de part et d’autre ?

Carte des routes d’émigration africaine vers l’Europe (C)Frankfurter Allgemeine Zeitung

Une petite biblio pour conclure, qui s’ajoute à des références déjà citées ici (Les-migrations-du-Mali-vers-la-France) :

Le rapport de la CIMADE: (http://medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20090619/1208739_f01e_edl.pdf)

Le pacte européen sur l’immigration: (http://www.eu2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1015_conseil_europeen/Pacte_europeen_sur_l_immigration_et_l_asile_FR.pdf)

L’intégration économique des migrants: (http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000739/0000.pdf)

Et puis un site avec un point de vue intéressant à propos du “discours” sur et autour de la question de l’immigration: l’Institut Panos: (http://www.panosparis.org/fr/migrations.php)