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Troisième chapitre: Françoise Sagan et sa scolarité

PETITE HISTOIRE DE L’ENFANCE ET DE L’ADOLESCENCE DE FRANÇOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN

Pierre Quoirez et sa famille sont arrivés à Saint-Marcellin au début du second semestre 1940 (cf précédemment). Rapidement, le chef de famille a trouvé à louer une vaste villa, la Fusilière, située en pied de coteau à quelques centaines de mètres du centre ville. Nous reparlerons de La Fusilière.

Cependant, dès la rentrée de septembre, Pierre Quoirez a logé sa famille dans un vaste appartement du Cours Morand, à Lyon où ont été scolarisés les enfants. Le cours Morand a été rebaptisé cours Franklin Roosevelt voici près de soixante-dix ans. La maison de La Fusilière avait, pour sa part, vocation d’offrir un toit quotidien à Pierre Quoirez après ses journées de directeur des usines de la FAE et d’accueillir la famille pendant les fins de semaine et les vacances.

Carte Postale Ancienne – Cours Morand à Lyon

Aborder la question de la scolarité de Françoise Sagan, c’est se lancer dans une aventure. Les sources ne sont pas très nombreuses. Les biographes qui s’y sont risqués (Lamy, Delassein, Louvrier) ne racontent pas deux parcours qui soient identiques. Les différentes écoles et institutions que cette élève a fréquentées ne se présentent jamais dans un même ordre, leur chronologie diffère et la correspondance entre âge de Françoise et année scolaire est souvent sujette à caution. Françoise Sagan elle-même ajoute à la confusion dans certaines de ses déclarations. Ainsi lorsqu’elle raconte à son interviewer, dans « Je ne renie rien », qu’elle est entrée à l’Ecole Louise-de-Bettignies, à Paris, en 8° ou en 9°, cela est parfaitement improbable !

Partant du principe que l’entrée en 9ème (ce qui correspond au Cours Préparatoire) se fait généralement vers l’âge de 7 ans et que l’entrée en 8ème (Cours Moyen 1ère année) se fait vers l’âge de 8 ans, cela nous amène à la voir entrer dans cette école entre 1942 et 1944, années pendant lesquelles Françoise Sagan vivait entre Lyon et Saint-Marcellin, guerre de 1939-1945 oblige.

1940 – Françoise Sagan – Collection privée – Tous droits réservés

D’autres obstacles rendent les recherches particulièrement difficiles. Les écoles et institutions privées dont nous allons dresser un inventaire et dans lesquelles Françoise Sagan a été scolarisée n’ont pas d’archives vieilles de près de 75 ans. Les associations d’anciennes élèves sont trop récentes pour traiter de cette période. Par ailleurs, Françoise Sagan a eu une scolarité un peu agitée ce qui a contraint sa famille à la changer assez fréquemment d’établissement. Les structures qui ont exclu Françoise Sagan en cours de scolarité ne s’en vantent pas aujourd’hui ! Et, dernier contretemps, ces écoles souvent religieuses n’ont pas le réflexe d’utiliser les noms de leurs anciennes élèves pour favoriser leur promotion, surtout si celles-ci sont affublées d’une réputation sulfureuse !

Entre octobre 1940 et l’été 1945, Françoise Sagan a été scolarisée en école élémentaire privée, l’école Saint-Nizier – Tour Pitrat, une école appartenant aux Lazaristes et située au cœur de la Presqu’île lyonnaise. Elle en garde un souvenir « délicieux » : « il y avait tout le temps des alertes, alors on nous ramenait tout le temps chez nous. On travaillait peu. On chantait comme tout le monde « Maréchal, nous voilà, devant toi le sauveur de la France… ». Il n’y avait pas moyen d’y couper. On nous distribuait des biscuits vitaminés et des petits chocolats roses. » (1). « Maréchal, nous voilà », était l’hymne pétainiste coexistant avec la « Marseillaise » dans la zone sud dès 1941..

A dater de l’automne 1945, Françoise Sagan et sa famille rejoignent leur appartement parisien du 167 boulevard Malesherbes, dans le 17ème arrondissement. Seul, Pierre Quoirez reste à Saint-Marcellin. C’est l’occasion pour Françoise de faire son entrée en classe de sixième au sein du Cours Louise-de-Bettignies, une école tenue par des religieuses ursulines située dans le même arrondissement, à moins de deux cents mètres de chez elle , « l’école en face », comme elle dit (2). Elle restera dans cette école jusqu’au printemps 1949, quelques trois mois avant la fin de l’année scolaire. Elle est alors exclue de l’école ! Laissons-là raconter elle-même les causes de cette exclusion. « J’avais pendu un buste de Molière par le cou avec une ficelle à une porte parce que nous avions eu un cours particulièrement ennuyeux sur lui ». (3)

1941 – Françoise Sagan et son frère Jacques -Collection privée – Tous droits réservés

Cette exclusion met fin à la seconde période de la scolarité de Françoise Sagan et ouvre une phase moins calme. Pendant les trois derniers mois de l’année scolaire 1948-1949, classe de troisième, Françoise, âgée de quatorze ans, n’informe pas ses parents de cette exclusion, ayant réussi à subtiliser l’avis de renvoi. Levée à l’heure le matin, équipée de son cartable, elle part à la découverte de Paris à pied ou en autobus. Bien évidemment, à la rentrée de septembre 1949, la vérité est apparue.

Les écoles se succèdent. Geneviève Moll (4) parle du Cours des Champs-Elysées : elle est la seule et ce Cours n’a laissé aucune trace ! En septembre 1949, Pierre Quoirez réussit à placer sa fille au « Couvent des Oiseaux » d’où elle ne tarde pas à être invitée à partir « en raison d’un manque de haute spiritualité » caractérisé notamment par la déclamation de textes de Jacques Prévert « Notre père qui êtes aux cieux, restez-y et nous, nous resterons sur la terre qui est si jolie »(5). Ce fut ensuite un retour en Dauphiné, Pierre Quoirez souhaitant probablement reprendre quelque peu la main sur l’éducation de sa fille. Pendant trois mois, c’est le « Sacré-Coeur de Bois-Fleury », à La Tronche qui héberge Françoise. Cette école existe toujours sous le nom de l’Ecole Philippine Duchesne et se trouve désormais à Corenc. Notre étudiante y laisse une très mauvaise impression ! Enfin, « La Clarté », une école privée catholique de Villard-de-Lans reçoit Françoise Sagan pendant les trois derniers mois de l’année scolaire, présence attestée par les documents produits lors d’une exposition relative à l’histoire du climatisme sur le Plateau du Vercors (5bis). La discipline y est moins sévère et Françoise y laisse un bon souvenir, même si ses résultats sont jugés « passables, faibles et fantaisistes » (carnet de notes du second trimestre). Pendant ces six derniers mois de vie scolaire, à La Tronche comme à Villard-de-Lans, Pierre Quoirez prend en charge sa fille pendant toutes les fins de semaine et les petites vacances. Il l’accompagne à Grenoble afin qu’elle puisse faire des achats de librairie. Quant au dernier trimestre de l’année scolaire, Pierre Quoirez propose qu’il se passe à La Fusilière, là « où elle est assez grande pour travailler par elle-même et où sa femme sera beaucoup moins seule, dans cette grande maison de campagne où elle s’ennuierait beaucoup sans sa fille » (5ter) .

1941 – Françoise Sagan et sa sœur Suzanne – Collection privée -Tous droits réservés – Photo prise à Saint-Marcellin

La légende de Françoise Sagan veut qu’elle ait été une élève très indisciplinée, présentée comme hostile à l’obéissance, peu respectueuse de l’ordre établi dans les différents établissements scolaires fréquentés et, parfois, mauvaise élève. A part, peut-être, l’année 1949-1950, l’année de ses quinze ans, que nous venons de décrire, ce tableau ne correspond guère à la réalité. Et les frasques qui lui sont reprochées ne sont que des réactions de vive adolescente, éprise de liberté de geste, de parole et de pensée.

A la rentrée de septembre 1950, Françoise Sagan entre au Cours Hattemer, à Paris. Elle y suivra les classes de première et de terminale, sans que ses résultats soient exceptionnels, sauf en français : elle aime écrire et disserter, y compris, parfois, en lieu et place de ses camarades ! Elle échoue à son premier baccalauréat en juin 1951 et le réussit en octobre grâce à des cours spéciaux, un bachotage délivré par le Cours Maintenon. La même chose se reproduit en 1952 pour son second baccalauréat. Cela lui permet de s’inscrire en propédeutique, classe préparatoire aux études littéraires, en Sorbonne en octobre 1952. Françoise Sagan n’a pas dix-sept ans et demi ! Elle n’a pas à avoir honte de son parcours scolaire, même si ses études n’iront guère plus loin. Notons que le Cours Hattemer est la seule structure citant Françoise Sagan parmi ses anciennes élèves (6)

  • 1- Je ne renie rien – Françoise Sagan – 2014
  • 2- Je ne renie rien – op. déjà cité
  • 3- Je ne renie rien – op. déjà cité
  • 4- Françoise Sagan racontée par Geneviève Moll – 2010
  • 5- Je ne renie rien – op. déjà cité
  • 5bis- Dauphiné Libéré – 19/03/2015 – Rubrique Villard-de-Lans
  • 5ter – Lettre de Pierre Quoirez, en date du 2 avril 1950, copie transmise par Maison du Patrimoine, Villard-de-Lans et par Monsieur Malbos, le fils des directeurs de La Clarté
  • 6- https://hattemer-academy.com/notre-ecole/anciens-eleves/

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Second chapitre: Françoise Sagan et la carrière de son père, Pierre Quoirez

PETITE HISTOIRE DE L’ENFANCE ET DE L’ADOLESCENCE DE FRANÇOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN

Il est important de consacrer un chapitre complet à l’examen de la carrière militaire, puis professionnelle, de Pierre Quoirez, car elle rejaillit de façon significative sur la vie de cet homme et sur son engagement dans l’activité économique de Saint-Marcellin et, plus généralement, du Sud-Grésivaudan.

Pierre Quoirez est né à Béthune, dans le Pas-de-Calais, le 25 juin 1900. Ses études le conduisent au Collège Stanislas à Paris, puis à l’Institut Industriel du Nord (IDN), à Lille, d’où il sort ingénieur en électromécanique, promotion 1921 (1). Son père, Nestor Quoirez, était déjà sorti de cette grande école avec le titre d’ingénieur lors de la promotion 1891. Pour la curiosité, signalons que Paul LAUBARD est également sorti de cette école dans la promotion suivante, celle de 1922. Or, Paul Laubard est le frère de Marie LAUBARD qui deviendra l’épouse de Pierre Quoirez le 3 avril 1923. L’histoire raconte que les futurs époux se sont rencontrés lors d’un mariage d’amis en région parisienne. Peut-on supposer que Paul Laubard fut pour quelque chose dans cette rencontre ?

Afin de dire l’essentiel à propos de ce beau-frère, Paul Laubard, signalons qu’après son diplôme, il a travaillé sept ans chez Citroën en tant qu’ingénieur. En 1934, il crée sa propre entreprise, les Messageries Routières Paris-Lille, ce qui l’amène à devenir vice-président de la Fédération des Transports Routiers en 1947, puis vice-président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris en 1966, et enfin président de cette dernière en janvier 1971.(2)

Concernant la carrière militaire de Pierre Quoirez (3), celui-ci bénéficia d’un sursis d’incorporation, en tant qu’étudiant, jusqu’au 1er octobre 1920. Engagé volontaire pour quatre ans, Pierre Quoirez est immédiatement incorporé successivement au 56° RAC (régiment d’artillerie de campagne), puis au 22° régiment d’artillerie le 15 juin 1921.

  • Il est nommé brigadier le 1er août 1921 et intègre, le 10 octobre 1921, l’école militaire d’artillerie de Fontainebleau en tant qu’élève officier de réserve (4). Nommé aspirant, il est affecté au 16° régiment d’artillerie d’Issoire.
  • En septembre 1922, il est nommé au grade de sous-lieutenant de réserve d’artillerie, pour prendre rang le 8 avril 1922.(5)
  • Par décision ministérielle du 16 décembre 1923, ayant terminé son service actif, il est maintenu dans son affectation au 10° régiment d’artillerie (6). Affecté ensuite au 16° régiment d’artillerie d’Issoire, il est ré-incorporé au 10° d’artillerie de Clermont-Ferrand, le 12 février 1924 (7).
  • Le 17 mars 1925, il est affecté à l’artillerie de la 5° division de cavalerie. Par décision ministérielle du 21 avril 1926, il y est promu au garde de lieutenant, pour prendre rang au 21 mars 1925 (8).
  • Pierre Quoirez effectue une période d’exercice de 28 jours, du 6 au 30 septembre 1927.
  • Le 1er mars 1928, il est affecté au centre de mobilisation N° 71, puis muté au centre de mobilisation N° 41, le 5 mai 1929.
  • Il est libéré du service actif le 28 avril 1923 et se retire 53 rue de Poissy à Saint-Germain-en-Laye.
  • Le 31 juillet 1930, il est affecté au centre de mobilisation d’artillerie N° 421, puis le 15 mars 1933 au centre de mobilisation d’artillerie N° 414.
  • Il effectue une période d’exercice du 7 au 16 juin 1937, puis une autre du 30 septembre au 3 octobre 1938, à l’issue de laquelle il est maintenu au corps jusqu’au 6 octobre 1938, avant d’être renvoyé dans ses foyers. Sa vie militaire ne s’interrompt cependant pas à cette date.

Sa carrière professionnelle a déjà débuté en 1924, puisque nous trouvons dans « La technique moderne » un article daté du 15 novembre 1924, dans lequel Pierre Quoirez, ingénieur aux Ateliers de Delle, signale un nouveau système pour l’isolement automatique des défauts sur les lignes de traction (9). Notons qu’un personnage que nous aurons l’occasion de revoir souvent et dont nous reparlerons, Henri de RAEMY, sera administrateur des Ateliers de Constructions Electriques de Delle en 1927. Ces Ateliers font partie du consortium d’entreprises dont la Compagnie Générale d’Electricité a pris le contrôle en 1912.

1929

Le 25 mai 1929, une délégation d’une centaine d’ingénieurs des Ecoles Centrales de Lyon est reçue aux Ateliers de Constructions Electriques de Delle, à Lyon. Les visiteurs sont accueillis par six ingénieurs et directeurs de service dont Mr Quoirez, chef des services de publicité. A l’issue de la rencontre, le directeur technique, Mr ROTH, prend la parole au nom de Mr Raemy, administrateur, et fait l’éloge « des ingénieurs qu’il désire de plus en plus nombreux à devenir des collaborateurs et des clients des Ateliers de Constructions Electriques de Delle ».(10) De 1930 à 1940, il est certain que Pierre Quoirez a des responsabilités au sein de la Compagnie Générale d’Electricité dans laquelle il est intégré, mais il n’a pas été possible de les déterminer.

Début 1940, intervient un nouvel épisode militaire dans la vie de Pierre Quoirez. Sa fiche matricule précise qu’en date du 18 janvier 1940, il est affecté spécialement (AS) auprès de la CGE (Compagnie Générale d’Electricité). Selon certains biographes (Gohier et Marvier, Delassein), il est appelé sur le front de la Ligne Maginot pour une période de dix mois. Cela n’est pas mentionné sur sa fiche matricule. Quoi qu’il en soit, il est manifestement difficile qu’il ait pu faire dix mois de service actif à dater de janvier. En effet, en juin 1940, la France « perd une bataille », la bataille de France, entre le 10 mai et le 22 juin 1940. A la suite de l’effondrement de notre armée, entre le 11 et le 22 juin, marqué par la mort de 90 % des effectifs français engagés sur le front afin de résister à l’invasion allemande (soit de 60 000 à 90 000 hommes), auxquels s’ajoutent quelques 21 000 victimes civiles, le maréchal Pétain exige de cesser le combat le 17 juin 1940. L’ennemi allemand contraint notre pays, lors de l’armistice signé le 22 juin, à démobiliser et désarmer son armée. Pendant que se développe ce que l’on a nommé l’exode, les troupes allemandes capturent 1 850 000 militaires français qu’elles font prisonniers, d’abord internés dans les Frontstalag situés sur le territoire français, puis transférés dans des camps allemands. Parmi eux, il y a environ 30 000 officiers. Environ 70 000 prisonniers parviendront à s’échapper dès les premiers jours (11 – Archives de l’Etablissement de Communication et de Production de la Défense – ECPAD). Pierre Quoirez n’ayant pas été fait prisonnier en juin 1940, il a donc été inévitablement démobilisé. Et c’est en juin-juillet 1940 qu’une nouvelle période professionnelle s’ouvre pour lui.

A sa démobilisation, au début du second semestre 1940, Henri de Raemy, administrateur et directeur général adjoint de la CGE, le nomme directeur des établissements de la Fabrique d’Appareillages Electriques (FAE, Groupe CGE) de Pont- en-Royans et de Saint-Marcellin. Nous ne savons pas exactement quand Pierre Quoirez a pris ses fonctions en Dauphiné, les biographes parlent de juillet ou d’octobre 1940. Les vacances scolaires débutant au 15 juillet pour s’achever au 1er septembre, c’est probablement dans cette période qu’il faut placer l’arrivée de la famille Quoirez à Saint-Marcellin et Lyon. Des écrits signés de sa plume de directeur sont datés du 21 avril 1941 et sont relatifs à un Centre d’Apprentissage dont nous reparlerons. Cette date est importante car elle pose un point de départ certain à la présence à Saint-Marcellin de Pierre Quoirez et de sa famille.

Carte Postale Ancienne-Les usines de la FAE à Saint-Marcellin

Largement huit ou neuf ans plus tard, Pierre Quoirez est toujours directeur de la FAE. Louis Bouteille raconte comment il a été embauché comme ingénieur dans l’établissement de Saint-Marcellin, en septembre 1948, après des entretiens avec Paul Sandell, chef du bureau d’études, et Pierre Quoirez, directeur (12).

Le « Dauphiné Libéré » daté du 27 avril 1949 publie le compte-rendu d’un déplacement effectué par le Préfet de l’Isère, sous le titre « Après s’être entretenu avec les maires du canton, le Préfet visite les usines de Saint-Marcellin ». La journée débute par une réception et des discours en mairie de Saint-Marcellin, à laquelle participent, outre le Préfet Roger RICARD, Mr Joseph RUBICHON, chargé de mission en préfecture, Mr Ferdinand DIDIER (DIT PONTAIS), conseiller général, le maire de Saint-Marcellin, Ferdinand BRUN et son conseil municipal, les maires du canton et de nombreuse personnalités de la ville. La délégation se rend ensuite au monument aux morts puis à la stèle en hommage à Victor Carrier afin d’y déposer des gerbes. Sont alors visités les Ets BOUYOUD,  » aux rouelles dauphinoises », puis, après le repas, la FAE de la CGE, sous la conduite éclairée de Mr Quoirez, enfin les Ets MOREL à La Sône. Le retour se fait après un détour à Chatte

Les Anciens d’Arnould (successeur de la FAE) possèdent une photographie de la visite des ateliers, la propre fille de Ferdinand Brun nous communique également une série de photos illustrant cette visite conduite par Pierre Quoirez. Enfin, Patrick Morel nous confie quelques photos de l’étape à La Sône (13).

Avril 1949-Visite de la FAE de Saint-Marcellin-Photo Faurie-Droits réservés-AAA
Avril 1949-Visite de la FAE de Saint-Marcellin-De G à D, au 1er plan: Ferdinand Brun, Maire de Saint-Marcellin, Mr Joseph Rubichon, Mr le Préfet Roger Ricard, Pierre Quoirez-Photo Faurie-Droits réservés Liliane Brun-Austruy

Cécile DEFFOREY, fille de Suzanne Quoirez, nous dit se souvenir de rencontres avec Françoise Sagan, à Saint-Marcellin, en 1949.

Quand Pierre Quoirez quitte-t-il la FAE ? Nous n’avons aucune indication précise mais il signe, le 17 avril 1950, une lettre de félicitations concernant l’élève Michel LAURENT, au second semestre de la deuxième année d’Ecole d’Apprentissage (13bis). Enfin, dans sa biographie « Sagan, un chagrin immobile », Pascal Louvrier raconte qu’en octobre 1951, Françoise Sagan et son amie Véronique Campion allaient se promener le dimanche, du côté d’Argenteuil, non loin de l’usine de Pierre Quoirez.

Ultérieurement, Paris-Presse-L’Intransigeant, dans son numéro du 28 mars 1958, publie un article de François Brigneau et de Victor Franco concernant Pierre Quoirez, avec ces mots : « Pierre Quoirez est originaire du Nord. Il dirige à Argenteuil une usine de meules où 800 ouvriers sont employés ». Recherches faites, cette usine est l’usine des « Fours Rousseau et des meules REX », usine installée depuis le dernier tiers du XIX° siècle et faisant partie du consortium initial de la CGE. Denis Westhoff nous confirme que son grand-père dirigeait une usine fabricant du Carborundum, un abrasif artificiel constitué de carbure de silicium, un produit possiblement fabriqué par les « Meules Rex ».

Jean-Pierre HOSS, dans un ouvrage intitulé « Communes en banlieue : Argenteuil et Bezons » et publié en 1969, cite les usines des Meules Rex, des Fours Rousseau, de la SECPIA, etc … comme ayant participé à la croissance de la population de ces deux villes.

Les établissements « Fours Rousseau » et « Meules Rex » n’ont fait qu’un qu’à partir de 1925. Cette usine, ainsi qu’un patrimoine privé, ont subi des dommages, sinistrés et spoliés, lors de la guerre de 1939-1945 (14-15). Actuellement, elle n’existe plus et sa cheminée, visible sur une photographie de 2016, a été abattue en 2018. Les recherches sont à poursuivre afin de confirmer que Pierre Quoirez s’y est retrouvé directeur après son départ de Saint-Marcellin, avec mission de sauvegarder l’usine ou … de la fermer. Ni la ville d’Argenteuil, ni l’association patrimoniale locale (SHAAP), ni la Chambre de Commerce et d’Industrie, ne disposent d’archives à caractère industriel.(16-17)

2016-Cheminée de l’usine des Fours Rousseau-Droits réservés-Collection SHAAP

Nous reviendrons ultérieurement sur différents aspects du rôle de chef d’entreprise de Pierre Quoirez, notamment pendant la période de la présence allemande dans notre région, ainsi qu’à propos d’un projet de voiture électrique.

Il est désormais temps de parler d’Henri de RAEMY, dont on a vu qu’il a accompagné la carrière de Pierre Quoirez. Il fut en effet son mentor, le protecteur de sa carrière et également son ami. Henri Léon Marie de Raemy est suisse d’origine, et il a acquis la nationalité française. Il est né le 10 juillet 1889 à Fribourg, il avait donc onze ans de plus que Pierre Quoirez. Il a été diplômé (1907-1911) ingénieur électricien par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich (EPFZ), en allemand : Eidgenössische Technische Hochschule Zürich (ETHZ). A Fribourg, il épouse les 27 et 29 janvier 1923, Yvonne Marie Pauline de CHOLLET, née à Charnoz (Ain) le 6 septembre 1899 (18). De cette union naquirent Jean Jacques Marie Joseph le 10 janvier 1924, Marguerite Marie Clothilde le 6 novembre 1926 et Bruno Pierre Marie Laurent. Henri de Raemy est fait officier de la Légion d’Honneur le 2 août 1949, à peine un mois avant sa « tragique disparition » le 6 septembre 1949 à Ambronay (Ain). Son épouse décédera le 16 août 1989 à Lagnieu (Ain).

Henri de Raemy a été :

  • Administrateur des Ateliers de Constructions Electriques de Delle, en 1927,
  • Directeur Général Adjoint de la CGE en 1932 (consortium créé en 1898),
  • Directeur Général branches et filiales de fabrication de la CGE en 1935,
  • Administrateur de 1936 à 1948 d’Electro-Cable, (18bis)
  • Administrateur de la Compagnie Parisienne de Distribution d’Electricité en 1945,
  • Administrateur de la Société Minière et d’Extraction de Pennaroya entre 1940 et 1948,
  • Administrateur de Minerais et Métaux de 1945 à 1948,
  • Administrateur de la CGE de 1945 à 1948,
  • Directeur Général de la CGE en 1945,
  • Administrateur de la Compagnie Générale de Télégraphie sans Fil en 1948,
  • Président de la Société des Accumulateurs Fixes et de Traction en 1948,
  • Directeur Général de la CGE en 1949. (19)

Nous aurons encore l’occasion de parler d’Henri de Raemy, à l’occasion d’aspects plus personnels de l’amitié qui le liait à Pierre Quoirez.

1939-Françoise Sagan-Collection privée-Droits réservés

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Premier chapitre: Françoise Sagan et l’origine de ses parents

PETITE HISTOIRE DE L’ENFANCE ET DE L’ADOLESCENCE DE FRANÇOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN

Commençons par la mère de Françoise Sagan : Marie, née LAUBARD.

Les Laubard sont issus du département du Lot, dans un périmètre assez restreint constitué par la petite ville de Cajarc (1100 habitants) et les villages ou hameaux de Larnagol, Seuzac, Calvignac …, au sud-est du département, sur les bords de la rivière Lot et à mi-chemin entre Figeac et Cahors.

L’arrière-grand-père de Marie Laubard se dénommait Pierre ( ?–17 avril 1852 à Calvignac) et était cultivateur dans le hameau de Labruyère. (1)

Son fils, Pierre, le grand-père de Marie, (02 février 1836 à Calvignac-?) était considéré comme cultivateur au hameau de Labruyère en 1863, puis comme propriétaire sur la commune de Larnagol en 1895.(2)

Son fils, Pierre Edouard, (08 juin 1863 à Calvignac-22 mars 1937 à Cajarc) (3) a épousé le 30 novembre 1895, à Cajarc, Joséphine, Urbainie, Magdeleine DUFFOUR (4). Dans l’acte de mariage, acte très élaboré par suite d’un conseil de famille motivé par le fait que la mariée était à la fois mineure et orpheline de père et de mère, Pierre Edouard est noté comme « propriétaire sans profession » (5). Une mention identique de « propriétaire » est notée sur les recensements de 1911 (6) et 1921 (7). Sur le recensement de 1926, la mention « cult. » est biffée d’une croix. (8) C’est à dire que le rapport de ses propriétés lui permettait de vivre sans avoir jamais travaillé. Notons également que le père de la mariée (décédé) était notaire de profession. Ce recensement de 1926 nous précise que les parents, Edouard et Madeleine, la fille, Marie, épouse Quoirez, et la petite fille, Suzanne, sont présents à Cajarc. Pierre Quoirez n’est pas recensé.

Edouard et Madeleine, comme ils sont couramment dénommés, auront quatre enfants :

  • Maurice Elie Léopold François, né en 1896 et Mort pour la France en 1917, (9)
  • Paul Pierre François Léopold, né en 1899 et décédé en 1987, ingénieur, dont nous aurons l’occasion de reparler,(10)
  • Marie Françoise Eugénie, née le 5 septembre 1903, décédée le 23 octobre 1989, la mère de Françoise Sagan,(11)
  • et Pierre Edouard Urbain Edmond, né le 4 août 1906 et décédé le 11 avril 1978, ingénieur.(12)

Pour l’anecdote, Marie Françoise Eugénie a été déclarée de « sexe masculin » ainsi qu’il ressort sur son acte de naissance, et cette erreur n’a jamais été corrigée en marge.

La maison familiale, maison du XIX° siècle, issue de la famille Duffour, sur le boulevard du « Tour de Ville » restera en indivision après le décès de Madeleine. Suzanne, la sœur aînée de Françoise Sagan, rachètera les parts de tout le monde dans les années 1980. Cécile Defforey, sa fille, en a hérité. Dans son « circuit patrimonial », la ville de Cajarc la nomme curieusement « Maison Quoirez, maison natale de Françoise Sagan», alors qu’il eut été plus logique de la surnommer « Maison Laubard ».

Maison natale de Françoise Sagan, à Cajarc – Droits réservés – Google Street View
Maison natale de Françoise Sagan, à Cajarc – Droits réservés – Patrick Morel

Au tour, maintenant des QUOIREZ. Le père de Françoise Sagan est Pierre Quoirez.

Le pays de la famille Quoirez est le pays minier, à cheval sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, un pays de terrils qui va de Valenciennes à Béthune en passant par Bruay, Henin-Beaumont, Noeux-les-Mines, Raismes, …

L’arrière-arrière-grand-père de Pierre Quoirez se nomme Augustin Joseph QUAREZ. Il est né en 1775 à Anzin, dans le Nord. Mineur de son métier, il est décédé le 23 juillet 1814, à Valenciennes, à l’âge de 39 ans (13). Veuf d’un premier mariage, il s’est remarié et a eu un fils Célestin Joseph. Sur l’acte de naissance de ce fils, l’officier d’état-civil a noté que « le père ne sait pas signer ». Lors du décès d’Augustin Joseph, il est noté qu’il est domicilié à Valenciennes, à l’Ecorchoir, hors la Porte de Lille.

Célestin Joseph est donc l’arrière-grand-père. Il est né le 21 mai 1814, à Valenciennes (14), deux mois avant le décès de son père. Il porte encore le nom de Quarez, lequel deviendra Quoirés, mineur, lors de son mariage, le 27 novembre 1838, avec Catherine Joseph CARREZ (15). Il deviendra Quoirez lors de la naissance de son fils Théophile. En 1845, il n’est toujours que mineur, ouvrier à la mine. Mais lors de son décès, le 8 juin 1877, à Noeux-les-Mines (Pas-de-Calais), il sera qualifié de maître-soudeur. Son nom redeviendra celui de Quarez et c’est sous ce nom que ses deux fils signeront l’acte de décès.(16)

Son fils, Théophile Quoirez, est né le 6 août 1845 à Raismes (Nord) (17) et est décédé le 12 décembre 1898 à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais) (18). Il est le grand-père de Pierre Quoirez. Il épouse Dolomie MIA le 24 février 1868, dont il a un fils, Nestor. Employé des Mines, il devient sous-directeur des mines de Bully, avec le titre d’ingénieur, et reçoit le 16 juillet 1886, la médaille d’honneur pour 30 années de services à la Compagnie des Mines de Béthune, à Mazingarde. Outre Nestor, le couple aura deux autres garçons ; Théophile vers 1868 et Jules, le 14 avril 1872, lequel décédera le 14 février 1915, à Meschede, en Allemagne, Mort pour la France.

Nestor, le père de Pierre Quoirez est né le 25 avril 1870 à Bully-les-Mines (19). Il se mariera le 18 juin 1898 avec Henriette Joséphine DEGRAND, issue d’une famille d’horlogers parisiens, dont il aura quatre enfants, Hélène Hermance Henriette en 1899 (20), Pierre Henri Théophile en 1900 (le père de Françoise Sagan), né à Béthune (21), Madeleine en 1905 (22) et Hélène Blanche en 1916 (23)(24)(24bis). Avec la promotion 1891, il sortira ingénieur de l’Institut Industriel du Nord (IDN) à Lille. Il décédera le 31 juillet 1931 à Bougival (Yvelines). Les déménagements sont nombreux au cours de sa vie puisqu’on le retrouve, au gré des recensements, à Bruay (Nord) en 1894, à Mazingarde (Pas-de-Calais) en 1895, à Béthune (Nord) en 1900, à Douai (Nord) en 1903, à Raismes (Nord) en 1906, à Nogent-sur-Marne en 1916 , 7 rue de la Gare, à Saint-Germain-en-Laye en 1921, rue de Poissy.

Ce sont donc Marie Françoise Eugénie Laubard, née en 1903, et Pierre Henri Théophile Quoirez, né en 1900, qui se marieront le 3 avril 1923 (25) et auront quatre enfants, tous nés dans la maison maternelle de Cajarc, ainsi que le « demandait » leur grand-mère Madeleine :

  • Suzanne Henriette Madeleine, l’aînée, le 6 janvier 1924, (26)
  • Maurice, le 20 mars 1926, qui décédera cinq mois plus tard, le 31 août 1926, (27)
  • Jacques Maurice Pierre, le 20 août 1927, (28)
  • et Françoise Marie Anne, le 21 juin 1935, la future Françoise Sagan. (29)

A l’issue du tour d’horizon de ces deux familles, il nous est possible de mettre en évidence quelques points communs dans leurs trajectoires respectives. De la fin du XVIII° siècle au début du XX° siècle, la progression sociale a été spectaculaire pour les Laubard et pour les Quoirez. Les uns étaient des cultivateurs, les autres des mineurs, et cependant les derniers-nés se retrouvent cote-à-cote en tant qu’ingénieurs et chefs d’entreprises, de plain-pied avec une bourgeoisie industrielle. Outre « l’ascenseur social » propre à cette période de notre histoire industrielle, il faut y ajouter l’effet des unions conclues d’un coté avec une fille de notaire, et de l’autre coté avec une fille d’horlogers. Nous noterons également que les deux familles ont donné leur part à la défense de la France puisque chacune a eu, malheureusement, son Mort pour la France. Enfin, nous verrons que l’accord semble s’être fait entre les deux familles pour que l’éducation des enfants soit confiée à des établissements privés, voire confessionnels (catholiques).

Arbre généalogique ascendant de Françoise Sagan
  • 1- 1852 – Acte de décès Pierre Laubard – AD46 – 4 E 822 0337
  • 2- 1836 – Acte de naissance Pierre Laubard – AD46 – 4 E 821
  • 3- 1863 – Acte de naissance Pierre Edouard Laubard – AD46 – 4E 822
  • 4- 1876 – Acte de naissance Joséphine Urbainie Magdeleine Duffour – AD46 – 4 E 808
  • 5- 1895 – Acte de mariage Pierre Edouard Laubard-Joséphine Urbainie Duffour – AD46 – 4 E 810
  • 6- 1911 – Recensement Cajarc – AD46 – 6 M 224 0194
  • 7- 1921 – Recensement Cajarc – AD46 – 6 M 251 0026
  • 8- 1926 – Recensement Cajarc – AD46 – 6 M 278
  • 9- 1917 – Notice Mort pour la France Maurice Elie Léopold Laubard- Memoire des Hommes
  • 10- 1899 – Acte de naissance Paul Pierre François Léopold Laubard – AD46 – 4 E 810
  • 11- 1903 – Acte de naissance Marie Françoise Eugénie Laubard – AD46 – 4E 3519
  • 12- 1906 – Acte de naissance Pierre Edouard Urbain Laubard – AD46 – 4 E 3519
  • 13- 1814 – Acte de décès Augustin Joseph Quarez – AD59 – 5 Mi 055 R 045
  • 14- 1814 – Acte de naissance Célestin Joseph Quarez – AD59 – 5 Mi 055 R 045
  • 15- 1838 -Acte de mariage Célestin Joseph Quoirès-Catherine Joseph Carrez – AD59–5 MiR 582
  • 16- 1877 – Acte de décès Célestin Joseph Quarez – AD62 – 5 MiR 617-5
  • 17- 1845 – Acte de naissance Théophile Quoirez- AD59 – 5 Mi 053 R 045
  • 18- 1898 – Acte de décès Théophile Quoirez – AD62 – 3 E 186
  • 19- 1870 – Acte de naissance Nestor Quoirez – AD62 – 5 MiR 186
  • 20- 1899 – Acte de naissance Hélène Hermance Henriette Quoirez – AD62 – 3 E 119-128
  • 21- 1900 – Acte de naissance Pierre Henri Théophile Quoirez – AD62
  • 22- 1905 – Acte de naissance Madeleine Quoirez – AD59 – 1 Mi EC 491R 003
  • 23- 1916 – Acte de naissance Hélène Blanche Quoirez – AD75 12N 276
  • 24- 1944 – Acte de décès d’Hélène Blanche Quoirez – AD75 – 16D 172
  • 24bis- 1944 – Inhumation Hélène Blanche Quoirez – 12 décembre 1944
  • 25- 1923 – Acte de mariage Marie Françoise Laubard-Pierre Henri Théophile Quoirez – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 26- 1924 – Acte de naissance Suzanne Henriette Madeleine Quoirez – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 27- 1926 – Acte de naissance Maurice Quoirez, avec mention en marges du décès – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 28- 1927 – Acte de naissance Jacques Maurice Pierre – Etat-civil de la ville de Cajarc
  • 29- 1935 – Extrait d’acte de naissance Françoise Marie Anne Quoirez – Etat civil de la ville de Cajarc

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Françoise Sagan

Petite histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan à Saint-Marcellin

PREAMBULE

RACONTER FRANCOISE SAGAN A SAINT-MARCELLIN: OBJECTIFS ET METHODES

Au cours de la période difficile de la seconde guerre mondiale, entre 1940 et 1945, Saint-Marcellin a hébergé la famille QUOIREZ. Le père, Pierre Quoirez, était directeur des deux usines de la FAE de Pont-en-Royans et de Saint-Marcellin. L’une de ses filles, Françoise, est devenue célèbre, dès 1954, sous le nom de Françoise SAGAN. Françoise Quoirez, que nous nommerons désormais Françoise Sagan pour la fluidité du récit, est née le 21 juin 1935 à Cajarc (Lot). Elle avait donc de 5 ans à 10 ans lors de sa présence à Saint-Marcellin.

Françoise Sagan n’a pas fait, à ce jour, l’objet de marques de reconnaissance exceptionnelles de la part de la ville de Saint-Marcellin et de sa population, probablement par manque d’informations sur la vie de celle-ci et de sa famille. A l’époque de son décès, le 24 septembre 2004, a cependant été publié un numéro de la revue périodique « Le pays de Saint-Marcellin », dans lequel Bernard Giroud, chroniqueur historique, a raconté sa vie sur quatre pages, en développant plus particulièrement la période saint-marcellinoise (1).

Toujours en 2004, le journaliste du Dauphiné Libéré, Frédéric Aili, soulignait : « Au lendemain de son décès, hier, on est allé frapper à la porte des mémoires, un peu partout dans la ville, pour essayer de remonter l’histoire. Un chemin assez chaotique en fait : les dates se confondent, se brouillent de la guerre aux années cinquante ». Les choses sont en train de changer puisque, par délibération du 22 septembre 2020, la municipalité a décidé de nommer une petite rue du nom de Françoise Sagan, rue qui se trouve dans l’immédiate proximité de la maison qu’elle habitait (2).

Outre la reconnaissance que l’on peut estimer devoir à l’égard de cette personnalité, il est certain qu’un examen approfondi de l’entourage familial, des relations sociales et professionnelles de sa famille et d’elle-même, ainsi que du contexte historique, ouvre de sérieuses perspectives patrimoniales concernant le territoire de Saint-Marcellin. De prime abord, les conditions de vie généralement heureuses de cette jeune fille, malgré la guerre, ont très certainement joué un rôle non négligeable dans son caractère indépendant et libre, bien avant que cette liberté féminine soit hautement revendiquée. «  Elle fut follement, démesurément, résolument, libre et indépendante pour son époque » (Denis Westhoff).

Par ailleurs, les relations professionnelles de son père, son rôle en matière de formation des apprentis, de développement de l’entreprise dont il avait la charge, de projet novateur de voiture électrique, tout comme les liens avec nombre de créateurs d’entreprises de dimension nationale, sont à relever.

Françoise Sagan vers 1940 – Collection privée – Tous droits réservés

C’est ce que nous nous attacherons à faire, en écrivant cette « Petite histoire de l’enfance et de l’adolescence de Françoise Sagan », une petite histoire qui soit la plus véridique et plausible qu’il soit possible d’écrire. L’examen des très nombreuses biographies consacrées à Françoise Sagan met en évidence que les anecdotes fantaisistes, voire invraisemblables, sont nombreuses et que les faits ne sont pas toujours strictement validés, surtout lorsqu’ils sont recopiés, voire plagiés, d’une biographie à l’autre.

Enfin, cette « Petite histoire … », réalisée avec le concours des membres du Groupe R.E.M.P.A.R.T., Groupe patrimonial de Saint-Marcellin, a pour vocation de prendre place parmi les éléments de connaissance historique, culturelle, patrimoniale et touristique de cette ville.

Comment avons-nous procédé ? En lisant et analysant les écrits de tous les biographes de Françoise Sagan, en recherchant tous les documents susceptibles d’éclairer tel ou tel aspect du cadre de vie dans lequel évoluait la famille, concernant soit les données industrielles, soit les faits historiques, soit les relations professionnelles ou personnelles de la famille. En matière de biographies, les analyses ont été ciblées sur les textes (ou parties de textes) abordant l’enfance et l’adolescence de Françoise Sagan, à Saint-Marcellin, ainsi que les descriptions de sa scolarité.

Ces textes biographiques pris en considération sont : d’une part, une biographie « officielle » sous deux versions à minima, non signée, et non datée et trouvée fréquemment sur l’Internet dans des sites particuliers, ou d’éditeurs, et avant tout de bibliothèques et médiathèques. Sur Wikipedia, la mention de l’enfance saint-marcellinoise est très succincte. Et, d’autre part, les œuvres suivantes :

« Bonjour Françoise, mystérieuse Sagan », de Gérald Gohier et Jean Marvier (1957-Editions Grand Damier), « Françoise Sagan ou l’élégance de survivre »,de Pol Vandromme (1977-Editions Régine Desforges), « Bonjour Sagan », de Bertrand Poirot-Delpech et Charlotte Aillaud (1985-Herscher) (Note : Charlotte Aillaud est la sœur de Juliette Gréco), « Françoise Sagan, une légende », de Jean-Claude Lamy (1988, nlle édition en 2004-Mercure de France), « Aimez-vous Sagan..», de Sophie Delassein (2002-Fayard), « Sagan, un charmant petit monstre », de Alain Vircondelet (2002-Flammarion), « Sagan, la « petite Quoirez », son enfance à Saint-Marcellin », de Bernard Giroud (Le Pays de Saint-Marcellin N° 12 – Décembre 2004), « Madame Sagan, à tombeau ouvert », de Geneviève Moll, (2005-Ramsay), « Un Amour de Sagan », de Annick Geille (2007-Fayard collection Pauvert), « Sagan à toute allure », de Marie-Dominique Lelièvre, (2008-Denoël Editions), « Françoise Sagan racontée par Geneviève Moll » (2010-Editions de La Martinière), « Sagan et fils », de Denis Westhoff (2012-Stock), « Sagan, un chagrin immobile », de Pascal Louvrier (2012-Hugo Doc), « Sagan, Paris 1954 »,d’Anne Berest (2014-Editions Stock), « Françoise Sagan : le tourbillon d’une vie », de Bertrand Meyer-Stabley (2014-Pygmalion/Flammarion), « Je ne renie rien–Entretiens 1954-1992 », de Françoise Sagan (2014-Stock), « Le Paris de Sagan », de Alain Vircondelet (2015–Ed. Alexandrines), « Des bleus à l’âme », roman de Françoise Sagan (1972-Flammarion), « Chroniques 1954–2003 », Françoise Sagan (2016-Le Livre de Poche), « France Culture–La Compagnie des Auteurs » Matthieu Garrigou-Lagrange (4 épisodes à dater du 30/05/2016), « ARTE – Françoise Sagan, l’élégance de vivre« , du 30/01/2017.

S’ajoute à ces documents biographiques, une somme de références thématiques et de liens Internet que nous citerons au fur et à mesure de leur intérêt. Avant de débuter notre « Petite histoire .. », nous tenons à remercier chaleureusement Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, et Cécile Defforey, nièce de Françoise Sagan, fille de Suzanne, sa sœur aînée, pour leur soutien dans la réalisation de ce travail et l’accord de publication des photographies de l’enfance de Françoise Sagan.

Françoise Sagan en 1940 – Collection privée – Tous droits réservés

Cette longue et passionnante analyse nous conduit à vous proposer les neuf thématiques ci-après, chacune d’entre elles faisant l’objet d’un chapitre distinct.

  • Françoise Sagan et l’origine de ses parents,
  • Françoise Sagan et la carrière de son père, Pierre Quoirez,
  • Françoise Sagan et sa scolarité,
  • Françoise Sagan et la Fusilière,
  • Françoise Sagan et les usines de la FAE,
  • Françoise Sagan et la voiture électrique,
  • Françoise Sagan et les amis de la famille,
  • Françoise Sagan et la guerre, la Résistance et la Libération,
  • Françoise Sagan et Barbara.

Avant d’ouvrir notre premier chapitre, une rapide biographie n’est pas inutile. Françoise Sagan est née le 21 juin 1935, à Cajarc (Lot). Elle a une sœur aînée, Suzanne, née le 6 janvier 1924. Un frère, Maurice, est né le 20 mars 1926, mais est décédé le 31 août 1926. Un autre frère, Jacques, est né le 20 août 1927. Entre 1940 et 1945, Françoise passe ses week-ends et ses vacances à Saint-Marcellin. Son premier roman, « Bonjour tristesse », est publié le 15 mars 1954. A un grave accident de voiture le 13 avril 1957. Se marie en 1958 avec Guy Schoeller, pour divorcer en 1960. Se marie en 1962 avec Robert Westhoff, dont elle a un fils, Denis, en 1962. Divorce prononcé en mars 1963. Elle décède le 24 septembre 2004 et est inhumée au cimetière de Seuzac, un hameau de Larnagol, à quelques kilomètres de Cajarc (Lot).

Cette « Petite histoire … » n’est pas un document hermétiquement clos. Toutes les contributions étayées sont les bienvenues. Une dernière info : les photographies de ce dossier consacré à l’enfance de Françoise Sagan bénéficient toutes d’un copyright, sauf mention exceptionnelle. En conséquence, aucune reproduction n’est autorisée sauf après accord explicite du titulaire des droits.

  • 1 – Le Pays de Saint-Marcellin – N° 12 – Décembre 2004
  • 2 – A la date du 15 août 2021, cette nomination n’est pas encore effective.

Toute reproduction, même partielle, de cet article est soumise à l’accord préalable de l’auteur