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Vrai et faux Klimt, vraie et fausse critique

Dans le cadre de sa chronique culturelle (Le Monde du 2 juin 2018), Michel Guerrin s’est livré à un réquisitoire en règle contre le spectacle numérisé consacré à Klimt par Culturespaces dans les nouveaux Ateliers des Lumières.
Insistant lourdement sur le caractère privé de l’initiative parisienne, l’auteur de la rubrique classe arbitrairement ceux qui fréquentent assidûment les musées parmi ceux qui trouvent nul ce spectacle.

Pour ceux qui ne seraient pas au fait de la chose, la Société Culturespaces présente une forme de diaporama géant constitué de plusieurs milliers d’images projetées par 140 vidéoprojecteurs, sur les murs ainsi qu’au sol. Certes, tous les tableaux de Klimt ne sont pas présentés in extenso, mais d’innombrables détails, des rapprochements, des oppositions d’images, de motifs, dans une succession d’extraits que vous pouvez voir en plusieurs endroits, sans que le déroulé y soit strictement identique. Le procédé s’appelle une exposition numérique immersive.

Et c’est cela que condamne Michel Guerrin: le fait que, dans le projet Klimt, le produit fini offert au spectateur ne soit pas quelques œuvres originales de l’artiste, mais le traitement informatique, numérique d’une grande partie de tout l’œuvre peint de celui-ci.
Autant, il serait acceptable que des sites internet constituent une encyclopédie de milliers de tableaux exposés de par le monde,
autant il serait acceptable que des scolaires, savamment guidés, puissent découvrir les grands peintres de nos musées nationaux au travers de sites éducatifs,
autant la conception numérique d’artistes qui jouent du pixel comme d’autres du pinceau pourrait prétendre à la reconnaissance de création,
mais là, non, c’en est trop !

Ce que voit le public, plongé dans le noir, pendant 40 minutes, ce sont des formes, des couleurs, des détails, mais quasiment jamais (dit-il !) le tableau dans sa singularité. Il n’y a pas de médiateur, pas de texte, pas de voix off.

Au cours de sa pérégrination de chroniqueur, l’auteur nous signale que ce programme est repris de l‘expérience des Carrières de Lumière, un site clos (et non à ciel ouvert, c’est une carrière souterraine !) où ont été projetés depuis 2012 Gauguin et Van Gogh, Monnet et Renoir, Klimt, Michel Ange et Léonard de Vinci, Chagall, Bosch et Brueghel, et Picasso cette année. Sous le nom de Cathédrale d’Images, et avec un autre exploitant, le même site existait depuis 1976, soit depuis plus de quarante ans ! Qu’il en a fallu du temps à notre chroniqueur pour découvrir les évolutions en matière de diffusion culturelle ! Sachez que Cathédrale d’Images a présenté Picasso en 2009 à 250000 visiteurs. Et que les Carrières de Lumière ont reçu 600000 visiteurs en 2017.

Mais l’essentiel du discours de Michel Guerrin vise, d’une part, à dénoncer la dématérialisation de l’œuvre et, d’autre part, à s’interroger sur la question de savoir si ces pratiques numériques vont entraîner davantage de visiteurs vers les musées, afin de découvrir l’original. Ce en quoi il ne croit pas, « au point de se demander si un peintre virtuel n’éloigne pas plus le spectateur du musée qu’il ne l’en rapproche ».

Afin d’étayer sa thèse, l’auteur compare le prix d’entrée au spectacle des Ateliers de Lumière, au tarif d’entrée du Musée du Louvre (gratuit pour les moins de 25 ans). Est-ce là une remarque empreinte de sincérité, lorsque l’on sait que les œuvres majeures de Klimt se trouvent surtout à Vienne (Autriche), puis à Zurich (Suisse), Munich (Allemagne), Venise (Italie), New-York (USA), Ottawa (Canada) ou Prague (République Tchèque), … à l’exception de «Rosiers sous les arbres», peint en 1905, qui se trouve au Musée d’Orsay ?

Rosiers sous les arbres-Musée d’Orsay-Klimt (C)

Faute de l’ « émotion diffuse et lente » qu’un tour du monde des tableaux de Klimt serait censé nous procurer, force est de se plaire à découvrir le monde de cet artiste avec les moyens modernes et renouvelés que nous procure l’informatique. Et tant pis pour le parisianisme attardé des critiques…

Le baiser, de Klimt, tel que vu aux Ateliers de Lumière (C)

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Réseaux sociaux

Depuis juin 2009, soit depuis 3 ans et demi, Vincenzo Cosenza, auteur du blog Vincos (http://vincos.it/), publie tous les six mois la carte du monde de l’expansion des réseaux sociaux, plus exactement du réseau dominant dans chaque pays. Une publication chronologique de toutes les cartes s’avère passionnante.

En juin 2009, Facebook (http://www.facebook.com/) achève sa domination sur la quasi totalité de l’Europe occidentale. La Chine ne jure que par QQ (http://www.qq.com/). La Russie se consacre à V Kontakte (http://vk.com/). Le Brésil et l’Inde garde confiance en Orkut (http://www.orkut.com/). Et les pays arabes comme la Libye, l’Arabie, le Yemen sacrifient à Maktoob (http://en-maktoob.yahoo.com/?p=xa). Quant à l’Afrique, ce n’est presque qu’un grand désert !

Juin 2009-Carte mondiale (DR)


Six mois plus tard, en décembre 2009, nouvelle carte. Sur 127 pays analysés, Facebook est en tête pour 100 d’entre eux, avec un total de 350 millions d’usagers enregistrés. V Kontakte et QQ préservent leurs territoires respectifs. Orkut perd l’Inde. Maktoob n’a plus d’audience préférentielle dans les pays arabes. Et l’Afrique n’est qu’un grand désert.

Carte mondiale-Décembre 2009 (DR)


En 2010, l’hégémonie de Facebook ne fait que se confirmer. 111 sur 131 pays examinés placent Facebook en tête, la Chine et l’ex-Union Soviétique conservent leurs réseaux. Le Brésil fait encore bande-à-part avec Orkut. L’Iran fait confiance à Cloob (http://www.cloob.com/profile/login/authenticate). Et en Europe, seules la Hongrie, la Pologne et la Hollande résistent. Quant à l’Afrique, notamment sub-saharienne et centrale …

Carte mondiale-Juin 2010 (DR)


Fin 2010, nouvelle carte du monde. Facebook revendique 600 millions de membres. Il est en tête dans 115 pays sur 132 analysés. Suivent dans l’ordre ou dans le désordre Twitter (https://twitter.com/) et LinkedIn (http://fr.linkedin.com/). Il y a en fait peu de mouvements, si ce n’est que la Pologne et la Hongrie rejoignent le leader. En Afrique, il n’est pas utile d’en parler …

Carte mondiale-Décembre 2010 (DR)


Juin 2011, Facebook a 700 millions d’inscrits et confirme sa suprématie, y compris sur des pays comme l’Iran ou la Syrie … quand il n’est pas censuré ! Mixi (http://mixi.jp/), au Japon, Orkut au Brésil conservent leurs positions. QQ, devenu QZone, étend son influence sur la Corée du Sud, tandis que V Kontakte se fait contrer sévèrement par Odnoklassniki (http://www.odnoklassniki.ru/). Parmi les poursuivants, Twitter domine LinkedIn.

Carte mondiale-Juin 2011 (DR)


Encore six mois et nous voici en décembre 2011. Facebook compte 800 millions d' »Amis ». Il a mis « à la raison » les Hollandais, les Brésiliens … pour le Japon, on ne sait pas très bien en raison de la présence de nombreux réseaux: Mixi, mais également Gree, Mobage … bref 127 pays sur 136 analysés accordent leur préférence à Facebook. De nouveaux pays africains sont analysés, mais il reste encore bien des « blancs ».

Carte mondiale-Décembre 2011 (DR)


Juin 2012, il y a six mois, nouvelle carte. Voici trois ans, lors de la première analyse, les réseaux sociaux classés en tête étaient au nombre de 17, ils ne sont plus maintenant que 7. Et parmi eux, le Cloob, réseau d’Etat de l’Iran, Zing (http://news.zing.vn/) au Vietnam et Draugiem (http://www.draugiem.lv/) en Lettonie. C’est dire que la carte devient de plus en plus unicolore.

Carte mondiale-Juin 2012 (DR)


Enfin, décembre 2012, qui voit Facebook dépasser le milliard de membres ! Et il n’y a que cinq réseaux à se placer en tête dans au moins un pays. Bien entendu, Facebook se taille la part du lion. En Russie, V Kontakte a supplanté Odnoklassniki. Quant à l’Afrique, nul n’en sait davantage …

Carte mondiale-Décembre 2012 (DR)


Mais à quoi servent les réseaux sociaux ? Comment sont-ils utilisés ? Quelle est la part de la population qui les utilise ? Pour avoir quelques réponses, il faut se diriger vers Pew Research (http://www.pewglobal.org/), un site américain.
En Grande-Bretagne, en Russie, aux USA, en République Tchèque et en Espagne, un habitant sur deux utilise les réseaux sociaux. La proportion est de 39 % en France, pays dans lequel 25% de la population n’accède pas à Internet, volontairement ou non. Pew Research a examiné 21 pays répartis de par le monde (bien entendu, aucun pays africain sub-saharien !). En Tunisie, 34% de la population utilise les réseaux sociaux. En Egypte, 30%.
Globalement, parmi les utilisateurs des 21 pays concernés par l’étude, 67% échangent à propos de musiques ou de films, 46% à propos des enjeux de leur communauté, 43% le sport, 34% la politique, et 14% la religion. (réponses multiples)
Dans un groupe constitué de la Jordanie, du Liban, de l’Egypte et de la Tunisie, il est frappant de constater que 60-68% des échanges sont voués à la politique (34% pour le total), 74-82% aux enjeux de la communauté (46% pour le total des 21 pays) et 62-63% pour la religion (14% pour le total) avec une remarquable exception, celle du Liban dont les échanges consacrés à la religion ne concernent que 8% du total !
Nul ne sera étonné d’apprendre qu’en fonction de l’âge, l’usage des réseaux sociaux est variable. De façon générale, les jeunes de 18-29 ans les utilisent davantage que les adultes de 30-49 ans qui les utilisent davantage que ceux de plus de 50 ans. Par contre, l’utilisation qui en est faite par les plus anciens se révèle parfois bien faible, voire marginale. Ainsi 8% seulement des Polonais de plus de 50 ans, 4% des Grecs, 4% des Libanais, 7% des Turcs ,des Tunisiens et des Mexicains, 8% des Chinois de plus de 50 ans utilisent les réseaux sociaux.
Dernière constatation d’importance; le niveau éducatif joue un rôle primordial dans l’usage qui est fait des réseaux sociaux. Dans 15 des 18 pays explorés, la différence de « fréquentation » des réseaux se traduit par un nombre à deux chiffres entre ceux qui ont un niveau universitaire et ceux qui ont moins d’éducation. Le record est battu par l’Egypte où 82% des diplômés de l’université utilisent les réseaux sociaux, alors que ceux qui ont moins d’éducation ne l’utilisent que dans une proportion de 18%.


Mise à jour du 12/01/2013
Pourquoi la zone africaine de la carte, notamment l’Afrique sahélienne et l’Afrique centrale, est-elle une zone vierge ? Interrogé par nous, Vincenzo Costenza a répondu que c’est parce qu’il n’y a pas de données disponibles pour ces pays. On peut penser que si c’est données n’existent pas, c’est parce que la part de la population qui utilise l’internet est encore trop faible, et que la part des utilisateurs d’internet qui se servent des réseaux sociaux est encore plus faible.
Cette constatation rejoint un vieux post de ce blog (Faut-il-mettre-un-terme-à-l-aide-à-l-Afrique) dans lequel nous soulignions la faiblesse des « câbles » permettant les transferts de communications. Les choses sont-elles vraiment différentes ?

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Gay girl: de la boue !

Depuis 48 heures,la blogosphère s’agite autour de l’imposture de Tom MacMaster qui a créé le personnage de la jeune Amina Abdallah, jeune syrienne homosexuelle, engagée dans les luttes de son pays et ayant récemment été enlevée.

Ce n’est pas Amina Abdallah: photo volée !

Quotidiens, magazines, agences de presse, radios (http://www.europe1.fr/International/Mobilis-tion-pour-une-bloggeuse-syrienne-578511/) et TV ont accordé du crédit à cette histoire et lui ont fait de la place dans leurs colonnes ou sur leurs ondes. (Faites une recherche Google sur « Amina Abdallah » et vous serez édifiés ! N’oubliez pas la requête « images »). Aujourd’hui qu’elle est démasquée comme manipulation, combien d’entre eux se sont excusés d’avoir transmis ou utilisé de fausses nouvelles ?

La communauté internet dans son ensemble est mise en cause par ce « faux » qui lui cause le plus grand tort.
Les militants et résistants de Syrie, également, ont tout lieu d’être mécontents de cet usage inconsidéré de leur cause.
Enfin, la communauté homosexuelle a été moquée et dangereusement exposée en servant d’appât pour le « roman » d’un imbécile.

Même si elle revêt, cette fois-ci, une importance exceptionnelle, cette affaire n’est pas la première. Elle n’est pas la dernière non plus.
Et il est curieux que la presse (qui la condamne) ne s’interroge pas davantage quant à son comportement et son utilisation de l’internet et des réseaux sociaux. Les difficultés de diffusion de la presse écrite sont dues, pour une part, au développement de l’information instantanée. Pour contrer cette désaffection, la presse a, dans un premier temps, créé des doublures internet. Celle-ci n’ont rien changé aux difficultés. Désormais, la mode et la tendance sont à la fusion des rédactions (et des moyens) entre l’écrit et le web.
Cela se traduit par:

  • une soumission à l’urgence, dictée par l’évènement, au risque de l’erreur.
  • une référence constante à ce qui se dit sur Facebook, Tweeter et autres, au point de considérer que ces outils sont des « faciliteurs » de démocratie (Démocratie-et-réseaux-sociaux) et que certains de leurs « leaders » sont les vrais initiateurs de mouvements de protestation. Hors du web, point d’info !
  • un mélange des genres entre articles traitant d’un fait et blog dissertant sur les conséquences de ce fait, le tout signé d’un seul et même journaliste.
  • la rédaction de papiers entièrement construits à partir d’informations glanées sur le net.
  • l’absence quasi totale de recul et de réflexion par rapport aux évènements. Le summum en la matière étant atteint lors des opérations de « Direct Live » qui ressemblent à un gigantesque jeu vidéo en temps réel.

    L’internet, les blogs, les réseaux sociaux ne sont que des moyens de communication. On y trouve le meilleur comme le pire, l’Université comme le Café du Commerce, des militants sincères comme des manipulateurs, des passionnés altruistes comme des allumés de l’apocalypse 2012 …

    L’anonymat et le déversement d’infos sans contrôle (y compris WikiLeaks (Les-mémos-de-WikiLeaks) ne sont aucunement des garanties de liberté et/ou de démocratie. Bien au contraire, ils sont les vecteurs de l’ignorance, de la manipulation et du totalitarisme. Et un « Internet fantôme » n’y changera rien.
    Nos journalistes et leurs organes de presse seraient bien inspirés de réfléchir un peu sur leurs relations avec l’internet. Cela semble plus urgent que de traquer et dénoncer les déviations sexuelles de nos élites ! En 1989, la manipulation de Timisoara (Roumanie) avait fait s’interroger la presse sur ses pratiques. Il n’est pas sur que cette sordide affaire de la Gay Girl en fasse autant en 2011 ..;

    Sur un mode humoristique, mais non dénué de justesse et d’efficacité, voici un avis recueilli sur ..le web. (http://www.lejournalinutile.com/we-love-it/article/vie-et-mort-d-amina-abdallah-arraf)

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Pourquoi quitter la plateforme de blogs du « Monde »

Aucun billet depuis plus d’un mois ! Et pourtant aucune inactivité, puisque la décision a été prise de transférer la totalité de ce blog vers une plateforme “indépendante”, celle de Gandi. Une possibilité dont il a été question il y a quelques temps déjà, lors de la “grande panne” de la plateforme du “Monde” (panne dont les stigmates n’ont jamais été effacés !).

Ce transfert s’est révélé être une lourde opération. Il y a sans doute des outils permettant de transférer et d’adapter un blog sous “Wordpress” vers le même blog (contenu identique) sous “Dotclear”. Ce transfert a pourtant été réalisé “à la main”, billet par billet. Cela a permis de relire chaque billet, de corriger quelques fautes d’orthographe, de valider les liens (certains étaient morts ou devenus payants) et d’en relire attentivement le contenu. Bien sincèrement, il n’y a pas de quoi avoir honte de ce qui a été écrit dans ce blog depuis bientôt quatre ans.

Les commentaires, malheureusement, n’ont pas été repris à une ou deux très rares exceptions près en raison de leur intérêt particulier ou du lien pertinent qu’ils comportaient avec un autre site. Que tous les autres “commentateurs” veuillent bien accorder leur pardon.

Les raisons de ce départ sont nombreuses et ne sont pas toutes de même ordre.

La première raison, déjà abordée dans les premiers temps de ce blog, tient à l’organisation de la plateforme du “Monde”. Plusieurs catégories de blogs coexistent et cohabitent et la visibilité (ou lisibilité) de chacun n’est pas identique. Les premiers sont les blogs de la rédaction (ou des rédactions) et des journalistes du “Monde” et du “Monde.fr”. De façon générale, ces blogs apportent quelques précisions à tel ou tel article ou dossier. Ils permettent une continuité de perception. Il est singulier de noter que nombre d’entre eux sont très irrégulièrement tenus à jour. Il y a ensuite les blogs invités qui apportent un éclairage nouveau sur des sujets variés et appartenant à l’une ou l’autre de ces catégories: international, politique et société, économie, sport, planète, culture, technologie et gastronomie. Mais au fait, les auteurs de ces blogs sont invités dans quel contexte ? Comment prennent-ils en compte l’orientation du “Monde” ? Prenons l’exemple d’Oil Man (http://petrole.blog.lemonde.fr/), le remarquable blog de Matthieu Auzanneau consacré à la finitude du pétrole: il est difficile d’y retrouver une tendance forte de la ligne rédactionnelle du journal !! Il y a ensuite les blogs sélectionnés. Ce sont des blogs rédigés par des abonnés qui ont passé une sorte de deal avec la rédaction et qui sont rémunérés pour une écriture régulière de billets sur leurs pages respectives (les invités également sont rémunérés). Pour ces blogs sélectionnés, la question de leur relative concordance avec la ligne éditoriale du journal est encore plus pertinente que pour les invités. Pour rester dans le domaine de l’écologie (un domaine qui nous intéresse éminemment), citons Biosphère (http://biosphere.blog.lemonde.fr/) dont les récents billets plaident, encore une fois, pour la suppression de la voiture et qui n’a rien, de près ou de loin, en commun avec la rédaction du journal qu’il qualifie de “croissanciste”.

Et puis, il y a les blogs abonnés, au nombre de 771 ayant mis à jour depuis deux mois, dont celui que vous lisez en ce moment. Belle ouverture d’esprit dont fait preuve cette plateforme, direz-vous. A la nuance près que cette ouverture d’esprit se paie. Et que le droit de la pratiquer dans son blog, dans le respect d’un charte minimale, s’achète. Pour tenir un blog, il convient d’être abonné au Monde.fr. Toute dénonciation de l’abonnement se traduit par la perte de la totalité des données du blog.

Pour comparaison, la plateforme Gandi (http://www.gandi.net/) s’offre à vous sur le simple achat d’un nom de domaine. Il vous reste alors à prendre vos responsabilités, toutes vos responsabilités. Un exemple: celui des spam et des indésirables. Il est fréquent que votre blog, comme tout blog, soit la cible de messages publicitaires ou de messages au contenu excessif, diffamatoire, dénonciateur, raciste, … Officiellement, de par la loi, il est de votre responsabilité de surveiller votre blog et d’en effacer les textes et les commentaires se rapportant à ces catégories. Sur la plateforme du “Monde”, vous n’avez pas à le faire: les “modérateurs” le feront toujours avant vous !! Un exemple ? Le 24 juillet 2008, en pleine crise pétrolière, un certain « Mouvement de libération du pétrole » a spammé les blogs du “Monde” pour annoncer des manifs et interventions musclées. Ses messages ont été immédiatement détruits !!

Payer le droit de bloguer, c’est peut-être bien. Encore faut-il être en accord avec la ligne directrice du journal qui vous héberge, c’est du moins comme cela que je le pense. Cette attitude est-elle une faiblesse ?

Lecteur quotidien du “Monde” depuis 1962, exactement depuis la signature des Accords d’Evian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, je me sens de plus en plus en désaccord avec les orientations du journal. En désaccord sur au moins trois thématiques.

La première est celle de l’antisarkozysme. Quelques jours après l’élection de Sarkozy, j’ai reçu un mail d’un ami qui me tenait le discours de la nouvelle lutte contre le Président à peine élu, me disant qu’on le ferait tomber sans attendre les prochaines échéances. J’avais trouvé cela peu démocratique, même si je n’avais aucune sympathie pour le nouvel élu. Certains journalistes du Monde, des éditorialistes, voire des rédacteurs en chef dans le Groupe ont pris l’habitude, depuis maintenant quatre ans, de ne pas écrire un seul papier sans y insérer une “attaque” contre Sarkozy et son gouvernement. Didier Pourquery, Rédacteur en chef du Magazine, en est l’illustration flagrante, lui qui consacre systématiquement le point UN de son éditorial hebdomadaire à une critique antisarkozyste. Je tiens cette attitude du “Tout Sauf Sarkozy” comme une grave erreur politique. En effet, à force de détruire la droite sur des motivations qui ne relèvent pas du débat politique, mais de l’affrontement, et face à l’incapacité de la gauche à faire des propositions qui tiennent debout, nous voyons gagner … le Front National ! Le prochain 1er mai lui-même verra peut-être se dérouler des manifestations “Dégage” …. organisées par … l’extrême-droite.

36 % des ouvriers s’apprêtent à lui confier leurs votes ? Le FN devient un parti honorable ? Il le deviendra bien davantage encore quand il aura exclu de ses rangs tous les trublions qui salissent son image, y compris Le Pen père ! Lequel est bien décidé à inventer l’une des phrases scandaleuse dont il a le secret s’il faut aider sa fille à le mettre à la porte pour gagner en honorabilité. La meilleure illustration de ce “rafraîchissement” d’image est à rechercher chez Gianfranco Fini. En 1987, il était Secrétaire Général du MSI, parti fasciste italien. En 1990, il pouvait dire que Mussolini avait été « le plus grand homme d’état du XX° siècle ». En 1995, il solde son passé fasciste et crée l’Alliance Nationale. En 2003, il peut affirmer que « Mussolini est un chapitre honteux de l’histoire du peuple italien » (!!!). En 2009, il fusionne son parti avec le “Peuple de la Liberté” de Silvio Berlusconi. Parti qu’il quitte au cours de l’été 2010 tout en gardant vivaces nombre des liens (notamment dans les municipalités) qui le rapprochent du pouvoir.

Voilà pour l’évolution du FN. Et pour les rapports de force électoraux ? Si demain (2012), le FN arrive en première ou seconde position à coté d’un candidat socialiste, qu’allons-nous faire au second tour ? Appeler à la constitution d’un “Front Républicain” ? Laquelle demande sera accueillie par un vaste éclat de rire par tous les sarkozystes et tous les militants de l’UMP. Ce jour-là, le “Tout Sauf Sarkozy” passera pour une FAUTE politique, mais il sera trop tard.

La seconde thématique est bien plus récente. Elle concerne l’intervention de la France en Libye. Et surtout les appels du “Monde” à intervenir. A deux reprises et surtout l’une dénonçant la “neutralité” de l’Allemagne. Un troisième éditorial vient tout récemment d’aborder la question d’une intervention en Syrie.

Toute l’histoire du dernier tiers du XX° siècle met en évidence que les interventions militaires ne sont jamais ce qu’elles devaient être. Sans compter les victimes civiles, sans compter les inévitables exactions de troupes excitées, la présence d’une armée est toujours une occupation. Et ceux qui ont appelé à l’aide finissent toujours par se retourner contre leur “sauveur”. Parce que les motivations ne sont jamais aussi simples que celles qui consistent à dire que l’on va éviter un drame humain, parce que derrière les militaires, il y a aussi des diplomates, des politiques qui doivent défendre des intérêt ou veiller à la mise en place de nouveaux intérêts. Le droit d’ingérence, c’est tout sauf la guerre. Il doit se limiter à l’exclusion du pays fautif de tous les organismes internationaux, à sa mise au ban des nations, à la suspension ou la suppression de tous les échanges économiques non indispensables à la vie quotidienne des citoyens (marchés, grands contrats, …), à l’assistance humanitaire, à l’aide technique, voire à la livraison d’armes défensives. La guerre ne peut être, ne doit être, qu’un ultime recours lorsque tout a été tenté.

Dans le cas présent, soyons certains qu’AQMI et autres mouvances terroristes sauront retourner la situation à leur avantage.

Enfin, dernier désaccord, plus sur la forme que sur le fond. Tunisie, Egypte, Japon ont été pour “Le Monde.fr” l’occasion de mettre en œuvre, jour et nuit, des “live” qui rassemblaient de nombreux internautes, jusqu’à plus de 20000 simultanément en ce qui concerne la centrale nucléaire japonaise. Naïveté ou non, Le Monde.fr a posé la question: “En faisons-nous trop ?” Etant jamais si bien servi que par lui-même, il a répondu “NON”, au motif que ces “live” étaient porteurs d’émotion et rassemblaient beaucoup de monde. Bref, tout le contraire d’un journalisme de réflexion et d’analyse, tout le contraire d’un journalisme serein.

Toutes ces évolutions rédactionnelles sont largement guidées par le besoin du journal d’être une entreprise rentable, cela on le comprend bien, mais il est excessif de transformer l’actualité en jeu vidéo pour quelques milliers de voyeurs dont le souci premier est de donner les meilleurs conseils possibles (du fond de leur fauteuil) pour arroser Fukushima ou pousser Moubarak vers la sortie. Il s’agit pour l’instant de  »jouer » avec des “révolutions” ou des “catastrophes”, à quand la guerre en “direct live” ?

Ce billet est donc le dernier sur la plateforme du “Monde” et le blog sera progressivement démantelé. Pour trouver le blog successeur ? Il se nomme “Thermopyles” également !!